Sylvain Pinaud artisan horloger

Sylvain Pinaud

Situé sur le «Balcon du Jura vaudois» à Sainte-Croix, l’atelier Sylvain Pinaud nous dévoile une horlogerie artisanale à la croisée de l’art et des sciences.

Un véritable royaume mécanique dans lequel l’intrépide artisan laisse libre cours à sa passion pour les beaux objets qui ponctuent le temps.

Pas plus grand qu’une trentaine de mètres carrés, ce petit atelier de Sainte-Croix regorge d’outils, de machines manuelles, de plans, d’esquisses... mais avant tout, cet endroit fourmille d’idées qui n’attendent qu’à se concrétiser. Une fois la porte passée, un somptueux tic-tac envahit l’atmosphère et nous plonge dans cet univers foisonnant de créativité, de passion et d’un profond respect pour l’horlogerie artisanale. En s’approchant de plus près, un mouvement s’active et invite à la contemplation. «C’est une collaboration avec François Junod. Il s’occupe de la partie automate et m’a confié la partie horlogère», confie l’artisan des lieux.

Sylvain Pinaud, «fabricant de moteurs» comme il aime à le dire, se plaît à occuper ses trois établis. Loin des discours sans fin, ici c’est la création à l’état pure qui opère. Un mouvement en court de réalisation par-ci, une ébauche d’un projet de plus grande envergure par-là, de la découpe dans un coin… tout s’entremêle dans une cadence minutieusement orchestrée. Au mur, on aperçoit des filières anciennes, ces fameux outils qui servent à confectionner des vis aujourd’hui disparues. Car dans cet atelier, autant la restauration que l’innovation occupent une place importante.

Réseau de Sainte-Croix
Bien qu’il soit seul maître à bord dans son atelier, Sylvain Pinaud ne manque pas de prendre soin du réseautage, véritable pilier et force de cette région qui culmine à plus de mille mètres d’altitude. «Parfois, selon la masse de travail à réaliser, un ami vient me prêter main forte. On s’aide, on se passe des outils, des pièces, etc. Ici, les artisans indépendants se soutiennent quand ils le peuvent. C’est une réelle force propre à cette région. Ce réseautage est essentiel, mais surtout, il est à proximité. Je travaille régulièrement avec Dominique Mouret, François Junod ou encore Vianney Halter.»

Artisan horloger polyvalent
Au travers de ses expériences particulièrement variées acquises entre le Locle, Genève et Sainte-Croix, Sylvain Pinaud a toujours senti ce désir d’avoir son propre terrain de jeu. Après avoir œuvré dans une grande maison horlogère, l’envie de faire autre chose et de concrétiser un désir déjà présent à la sortie de l’école s’est avérée une évidence. «Il était temps de sortir de ma zone de confort et de m’éloigner de cette horlogerie à la chaîne, sans âme, pour retrouver le plaisir de la mécanique horlogère artisanale. D’ailleurs, sans même vraiment savoir quand, comment, où, etc., j’avais commencé à m’équiper de matériel, d’outillage et de machine dès la fin de mes études.»

Sylvain Pinaud met son expertise au service de ses clients et propose des solutions partielles ou complètes pour le développement et la fabrication de pièces horlogères. Des petites séries (entre 5 et 10 pièces) aux créations uniques, études, prospection, prototypage, validation se succèdent pour finalement concrétiser le garde-temps final. De l’ébauche à la fabrication en passant par la construction du mouvement, l’assemblage ou encore les finitions, l’artisan couvre un large spectre d’action avec une très grande réactivité. «Quand un client m’amène un mouvement que je commence à assembler, si un problème survient, je démonte, j’utilise ma pointeuse et je continue directement.»

Sylvain Pinaud propose également un service de réparation, de restauration et d’entretien de tous objets horlogers (montres, horloges, pendules…), de toutes marques et de toutes époques. Son équipement et son savoir-faire lui permettent de remplacer une pièce défectueuse ou manquante dans le respect historique de l’objet. Un solide réseau d’artisans partenaires permet également d’assurer la restauration de cadrans, de boîtes et de cabinets en bronze ou encore en bois.

Chronographe monopoussoir
Conçue dans le cadre du concours «Meilleur ouvrier de France», cette pièce - dont les 80% ont été élaborés dans l’atelier de Sainte-Croix - a véritablement été un tremplin pour Sylvain Pinaud et lui a permis de décrocher le précieux sésame après une année de réalisation. Elle a été non seulement l’occasion de relever un défi de taille, mais également de donner vie à une vision personnelle de l’horlogerie. Pas de compromis, tout devait être harmonieux et chaque fonction soignée dans les moindres détails.

De la base imposée par le sujet (mouvement ETA 6497), seuls le rouage et l’échappement ont été conservés. Les autres éléments (ponts, platine, système de remontage et balancier) ont été complètement reconstruits et élaborés pour totalement intégrer le chronographe.

Le choix final d’un fonctionnement traditionnel, à savoir embrayage horizontal et roue à colonne, a été pour l’horloger une évidence car beau, simple et efficace. Les fonctions délicates, ou d’autres avec de fortes contraintes, se sont vues empierrées. Chaque ressort, sautoir ou levier a été dessiné pour s’harmoniser avec l’ensemble et garantir un fonctionnement optimal.

Dans ce prototype, quelques rares pièces ont été fabriquées par CNC, la très grande majorité à la main et avec des machines conventionnelles. Les trempes, les revenus, la décoration et les polissages ont été entièrement réalisés de façon traditionnelle.

«Bien qu’il y ait beaucoup de demandes de la part des clients, des distributeurs ou encore des collectionneurs, je privilégie toujours le travail à l’atelier. C’est là que la magie opère. Mon objectif n’est pas de se perdre dans la masse de travail. Il est essentiel de continuer à faire une horlogerie qui me plaît, qui reste cohérente et surtout de qualité.»

Portrait
Fils d’horloger et ayant fréquenté l’établi dès l’enfance, c’est aux côtés de son père que Sylvain Pinaud découvre le métier. Captivé par son travail et convaincu que c’était une véritable vocation, c’est naturellement qu’il rejoint l’école d’Horlogerie de Morteau pour approfondir ses connaissances et développer son savoir-faire. Son diplôme en poche, il acquiert une solide expérience au sein de discrets ateliers, puis au cœur de grandes manufactures horlogères. Après plus de quinze ans, une nouvelle orientation dans la pratique du métier lui est donnée. Fin 2017, il ouvre son propre atelier à Sainte-Croix où sa fascination pour l’histoire, la mécanique, l’art et la science de l’horlogerie ne cesse de grandir.

10.9.2020