Les trois lauréats du Prix Gaïa 2021

Eric Klein, Carole Kasapi et Anthony Turner

Comme chaque année à mi-septembre, le Prix Gaïa récompense de nouvelles personnalités qui œuvrent ou ont œuvré dans le domaine de l’horlogerie, de son art et de sa culture.

Pour la première fois depuis sa création, une horlogère reçoit cette distinction. Et pour la troisième fois, la bourse Horizon Gaïa a été décernée à une jeune étudiante.

Moment fort de l’année horlogère, la remise des Prix Gaïa s’est tenue le 16 septembre dernier au Musée international d’horlogerie (MIH) de La Chaux-de-Fonds. Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse, était l’invité d’honneur de cette soirée qui a réuni de nombreux passionnés de la branche.

Cette année, le jury du Prix Gaïa, composé de douze personnalités actives dans le domaine de l’horlogerie, a désigné: Carole Kasapi, lauréate dans la catégorie Artisanat et création, pour la conception et le développement de mécanismes alliant brillamment design, fonction et fiabilité; son implication à de nombreux niveaux dans la branche horlogère et sa générosité dans la transmission de sa passion. Anthony Turner, lauréat dans la catégorie Histoire et recherche, pour sa carrière exceptionnelle menée en indépendant au service de la recherche et du patrimoine horloger, de la connaissance historique et technique des objets et de la valorisation des collections. Eric Klein, lauréat dans la catégorie Esprit d’entreprise, pour son caractère visionnaire, sa capacité à appréhender l’industrie horlogère de manière systémique et à mettre en œuvre des processus industriels novateurs et dynamiques visant l’excellence de la fabrication et la qualité des produits.

Artisanat et création: Carole Kasapi
Née en France et ayant fait ses classes à Paris, Carole Kasapi est passionnée de mécanique horlogère dès son enfance. Elle réalise ses études à l’Ecole d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds. Elle obtient un certificat fédéral d’horlogère-rhabilleuse en 1988, qu’elle complète par deux ans de formation pour devenir constructrice horlogère, obtenant la meilleure moyenne de diplôme. En 1990, elle rejoint Conseilray SA La Chaux-de-Fonds, où elle passe trois ans en tant que conceptrice de mouvements mécaniques. Ses missions comprennent, entre autres, le développement du mouvement Elite pour Zenith, lequel relancera la marque locloise dans le registre de la création de mouvements maison. En 1993, elle est engagée par Renaud & Papi au Locle, où elle œuvre pendant six ans comme responsable du bureau technique et des prototypes.

Après un bref passage chez Ulysse Nardin, Carole Kasapi rejoint, en l’an 2000, le groupe Richemont en tant que responsable du développement des mouvements pour les marques Cartier, Piaget, Van Cleef & Arpels et Officine Panerai.

Elle se focalise, à partir de 2003 et jusqu’en 2018, sur la marque Cartier uniquement, comme responsable de la création des calibres au sein de Cartier Horlogerie, à La Chaux-de-Fonds.

Passionnée par le développement de produits en accord avec la philosophie de la maison pour laquelle elle travaille, Carole Kasapi dirige une équipe constituée en grande partie d’ingénieurs, tout en travaillant main dans la main avec les designers et le marketing. Elle joue alors un rôle central dans le positionnement de Cartier dans le secteur de l’horlogerie technique haut de gamme et est à l’origine de nombreux brevets.

En plus d’avoir piloté la création des fascinants Astrorégulateur, Astrotourbillon et Astrocalendaire, elle a été très largement impliquée dans la mise au point et le développement de la montre ID Two. Ses compétences techniques se sont concrétisées également dans le développement de montres plus poétiques de la ligne Panthère.

En 2018, Carole Kasapi élargit à nouveau son champ d’activités au service du groupe Richemont, apportant un support créatif et technique aux maisons du groupe.

En 2020, elle entame un nouveau chapitre de sa carrière et rejoint l’entreprise TAG Heuer (LVMH) en tant que directrice mouvements, dans le but d’y développer les calibres manufacture.

Lauréate du Prix du Meilleur horloger concepteur au Grand prix de l’horlogerie de Genève (2012), Carole Kasapi se montre également soucieuse de la transmission des savoirs horlogers. Elle est notamment active au sein de la Société suisse de chronométrie.

Histoire et recherche: Anthony Turner
Né en 1946 en Angleterre, Anthony Turner réalise ses études au Wadham College de l’Université d’Oxford entre 1965 et 1969 dans le domaine de l’histoire et de la philosophie des sciences. Entre 1970 et 1972, il occupe un poste d’assistant de recherche au National Maritime Museum de Greenwich.

Dès 1972, il embrasse sa carrière d’indépendant. Il est à la fois chercheur, libraire de livres anciens, consultant et concepteur d’expositions. Il devient un spécialiste de l’histoire des instruments scientifiques, des horloges, des montres, des cadrans solaires, des astrolabes et de la précision en général.

Il travaille, entre autres, avec le Museum of the History of Science, à Oxford, avec le National Maritime Museum de Greenwich, le Science Museum de Londres, le Musée Gassendi de Digne-les-Bains, le Château de Versailles, le Musée des arts et métiers et la Cité des sciences à Paris.

Consultant auprès des maisons de vente Sotheby’s et Bonhams pour les instruments scientifiques, et d’Artcurial pour les instruments scientifiques et les horloges, Anthony Turner intervient également en tant qu’expert auprès des commissaires-priseurs parisiens de Drouot. A ce titre, il a rédigé quelque 80 catalogues de vente aux enchères, principalement horlogers.

Depuis deux décennies Anthony Turner contribue à la création et au développement, en collaboration avec Paolo Brenni et Denis Beaudouin, d’un dictionnaire en ligne des fabricants d’instruments scientifiques français et suisses, entre 1430 et 1960. Celui-ci comprend aujourd’hui quelque 3’500 entrées.

Ses publications dans des revues horlogères et académiques (Antiquarian Horological Society, British Sundial Society), dans de nombreux catalogues de vente aux enchères, les expositions et les colloques qu’il a mis sur pied, témoignent de son autorité et de son activité, depuis des décennies, dans la diffusion des connaissances dans le domaine de la mesure et du temps. A ce titre, il obtient, en 2018, le prix Paul Bunge pour ses contributions à l’histoire des instruments scientifiques.

Chercheur et auteur infatigable, Anthony Turner assume actuellement la direction de publication d’une encyclopédie mondiale de l’histoire de l’horlogerie, couvrant la mesure et la distribution du temps de l’Antiquité au 20e siècle. L’ouvrage A General History of Horology sera publié par les Oxford University Press à la fin de l’automne 2021.

Esprit d’entreprise: Eric Klein
Eric Klein est né à Neuchâtel en 1949. En 1973, il obtient son diplôme d’Ingénieur en microtechnique à l’Institut de physique de l’université de Neuchâtel avant d’y exercer comme professeur-assistant durant une année. Dès 1974, il intègre Ebauches SA comme ingénieur au centre de recherche, chargé de développer un micromoteur pour les montres à quartz. En 1976, il rejoint la Fabrique d’horlogerie de Fontainemelon (FHF) afin d’y opérer la conversion de l’horlogerie mécanique à la technologie du quartz. Il intègre Ronda en 1982, à la direction du développement, de l’assemblage et de la qualité, multipliant la production de mouvements par cinq. Dès 1985, suite au décès du fondateur et propriétaire William Mosset, Eric Klein rejoint la direction de l’entreprise avec les héritiers. Il contribue alors à la fondation de plusieurs entités industrielles pour la fabrication des bobines de moteurs pas à pas (Swisstronic Hong Kong, 30 employés), et pour l’assemblage des mouvements swiss parts (400 employés à Bangkok et 200 personnes à Stabio au Tessin).

C’est en 1994 que commence son aventure au sein du groupe Richemont. Cartier le mandate pour internaliser le développement et la production du mouvement à quartz; il dirige également la fabrique Piaget de La Côte-aux-Fées.

A partir de 1995, il créé et dirige une cellule mouvement centralisée à Neuchâtel, chargée de développer et de produire les mouvements notamment pour Cartier, Piaget, Panerai et Montblanc, et qui deviendra plus tard la manufacture horlogère ValFleurier.

Entre 2000 et 2005, il est directeur général des manufactures industrielles Richemont. A cette date, il conçoit, à la demande de Jan Rupert et avec Henri John Belmont, l’entité ValFleurier, dont il assure la direction jusqu’en 2011. Il implante une nouvelle usine à Buttes (500 emplois) afin de sceller l’indépendance de Richemont vis-à-vis du groupe Swatch en matière de composants du mouvement mécanique.

Quittant le champ opérationnel en 2012, Eric Klein conserve une fonction de responsable stratégie mouvement du groupe Richemont et du sourcing Swatch (2012-2017) et apporte son soutien à des projets de recherche jusqu’en 2018, date à laquelle il se consacre entièrement à son autre passion, la boccia.

Acteur pluridisciplinaire de l’industrie horlogère, Eric Klein a toujours su transmettre aux équipes son savoir et sa vision, engageant les directions avec conviction dans des projets essentiels aux marques, tout en contribuant de manière durable à l’économie locale. En plus de 40 ans d’accomplissement professionnel, Eric Klein, bien que demeurant dans l’ombre, a eu un très fort impact sur le monde de l’industrie horlogère.

Bourse Horizon Gaïa: Nathanaëlle Delachaux
A côté des trois catégories dans lesquelles des personnalités confirmées du monde horloger sont distinguées, Horizon Gaïa est une bourse d’encouragement, rendue possible grâce à la bienveillance de la Fondation Watch Academy, mise au concours à destination de la relève dans les domaines de prédilection du prix Gaïa.

La bourse finance tout ou partie d’un projet individuel. La boursière Horizon Gaïa 2021 est Nathanaëlle Delachaux, étudiante en fin de cursus à l’Université de Neuchâtel dans les domaines de l’histoire, de l’histoire de l’art et de l’ethnologie. Née en 1993, elle est établie dans le canton de Neuchâtel et est au bénéfice de plusieurs expériences professionnelles muséales.

Son projet individuel fait écho à la récente inscription des savoir-faire en mécanique horlogère et mécanique d’art sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO et consiste en la valorisation des collections documentaires liées à la formation et à la transmission des savoir-faire conservées par le MIH.

Montre MIH Gaïa II

Fort du succès de la montre MIH Gaïa, mise en souscription en 2019 à l’occasion des 25 ans du Prix Gaïa dans une édition limitée de 200 pièces désormais épuisée, le MIH a dévoilé, à l’occasion de la cérémonie Gaïa 2021, la montre MIH Gaïa II, dotée d’un cadran soleillé noir. Cette nouvelle version a également été entièrement conçue au sein du musée et réalisée à l’aide d’artisans et d’entreprises chaux-de-fonniers. Elle poursuit les mêmes objectifs que son aînée, à savoir la restauration et l’étude de pièces majeures de la collection du MIH.

23.9.2021