TriPod entre MB&F et L'Epée

Trois yeux, trois pattes, trois cycles d’heure et de minutes... après T-Rex, MB&F et l’Epée 1839 livrent une véritable leçon entomologique.

Sous son allure d’araignée d’eau marchant en lévitation, TriPod apparaît tout aussi élégante que l’insecte qui lui a servi de modèle.

La célèbre citation de l’auteure américaine Susan Vreeland, «L’art engendre l’art», s’applique parfaitement à TriPod, treizième cocréation de MB&F et L’Epée 1839.

TriPod est une horloge à cadran minimaliste suspendue à trois pattes d’insecte. Elle suit le modèle T-Rex dans ce qui va devenir une trilogie de créations mi-animal, mi-robot que MB&F appelle Robocreatures. Le nom de TriPod provient des trios qui la composent: les membres, les sphères de type œil d’insecte et les niveaux dans le mouvement qui constituent le corps mécanique de la créature. De plus, TriPod est la deuxième d’une série d’horloges destinées à former un trio. Pour décrire les Robocreatures, le fondateur de MB&F Maximilian Büsser déclare: «Nous façonnons notre monde de créatures comme H.R. Giger a créé son univers Alien.»

Les Robocreatures pourraient bien être de futures capsules temporelles, des vies fossilisées issues d’une époque préhistorique. Avec TriPod, le designer berlinois Maximilian Maertens, le CEO de L’Epée Arnaud Nicolas et Maximilian Büsser nous entraînent dans une ère préhistorique post-moderne de l’horlogerie.

TriPod comprend trois pattes délicates supportant un corps coloré, trois sphères en guise de lentilles de précision et un cadran d’horloge qui fait une révolution complète en 36 heures pour afficher trois cycles d’heures et de minutes. Sous le cadran, on trouve notamment un mouvement sculptural tridimensionnel à 182 composants, construit sur trois niveaux par L’Epée 1839, doté d’un balancier vertical qui oscille lentement à la fréquence traditionnelle de 2,5 Hz (18’000 A/h). Une clé permet la mise à l’heure et le remontage. Complètement remonté, le mouvement offre une généreuse réserve de marche de huit jours.

«Ces horloges sont de véritables compagnons», affirme Maximilian Büsser. «Elles vivent, elles font tic-tac. Elles sont comme des animaux de compagnie qui apportent de la vie dans nos intérieurs.» Jurassic Park a également produit de la vie là où il n’y en avait pas… mais quid après les dinosaures? Le trio de Robocreatures offre une réponse pleine d’imagination.

Inspiration
TriPod est née de l’imagination du jeune designer Maximilian Maertens, alors qu’il était stagiaire chez MB&F. Il a été fortement influencé par le film de 1993 Jurassic Park, le premier à l’avoir marqué quand il était enfant. L’inspiration puisée dans l’enfance du créateur, initialement exprimée dans l’horloge T-Rex de MB&F, la première de la trilogie des Robocreatures, est un cadeau qui continue à porter ses fruits. La démarche est appropriée car tous les chefs-d’œuvre mécaniques signés MB&F reposent sur la prolongation des rêves d’enfant dans la créativité des adultes.

En concevant T-Rex, Maximilian Maertens a imaginé une histoire guidant son processus de développement, afin de créer un équilibre visuel cohérent entre les éléments mécaniques et organiques. Cette histoire s’est développée à partir d’éléments présents dans des réalisations MB&F antérieures, notamment un pilote de vaisseau spatial découvrant de nouvelles planètes. Avec l’inspiration complémentaire venue de la passion de Maximilian Maertens pour Jurassic Park, une nouvelle histoire a commencé à se dérouler, la colonne vertébrale de la trilogie des Robocreatures.

Si TriPod a pour première source d’inspiration le moustique pris dans l’ambre qui fournit l’ADN pour engendrer génétiquement de nouveaux dinosaures, son allure évoque plutôt une araignée d’eau de la famille des Gerridae, un spécimen capable de marcher sur l’eau en utilisant la tension superficielle et ses pattes hydrophobes, longues et minces, qui répartissent uniformément son poids sur une grande surface.

Maximilian Maertens explique: «On dirait vraiment un insecte qui marche en lévitation sur l’eau et cela m’a inspiré la création de quelque chose de très délicat. J’aime prendre une telle direction même si elle provoque des conflits avec les ingénieurs, en matière de stabilité notamment.» Avec ses trois longues pattes, TriPod semble trop fragile pour tenir, mais l’équilibre est calculé à la perfection et la création apparaît aussi élégante que l’insecte qui lui a servi de modèle.

Mouvement et corps
Haute de 26 cm, TriPod est en laiton plaqué et pèse environ 2,8 kg, un poids parfaitement réparti sur ses pattes délicate-ment sculptées.

Pour lire l’heure, indication essentielle sur cette horloge sculpturale, on consulte d’en haut le cadran composé de deux disques rotatifs concentriques. Le disque extérieur affiche l’heure, le disque intérieur les minutes, par incréments de 15. La lecture implique une interaction entre l’homme et la machine: elle s’effectue grâce à trois sphères optiques, chacune grossissant les chiffres afin de les rendre lisibles.

Pour permettre aux trois «yeux» d’afficher l’heure sous tous les angles de vue, le cadran comprend trois différentes tranches numérotées de 1 à 12. Il effectue donc une rotation complète en 36 heures, au lieu des 12 conventionnelles. On peut lire l’heure à tout instant à travers l’une des lentilles grossissantes, voire du dessus du cadran (malgré une dimension sensiblement réduite).

Titulaire d’un master en optique, Arnaud Nicolas est bien placé pour expliquer pourquoi la fabrication des sphères en verre minéral constituant les trois loupes-yeux a véritablement été l’un des plus grands défis dans l’interprétation de la vision créative de Maximilian Maertens: «La précision de la sphère devait être très, très ajustée. Il n’est pas du tout évident de créer une boule de verre avec la tolérance d’une lentille optique.»

Les ingénieurs de L’Epée ont déterminé la distance idéale entre le cadran et les sphères ainsi qu’une taille de sphère qui soit suffisamment grande pour faciliter la lecture de l’heure, mais pas trop pour ne pas dénaturer le design. Autrement dit, le succès de TriPod dépendait des proportions, du bon grossissement et des bonnes distances. Pour y parvenir, la forme des sphères devait être extrêmement précise - à 10 microns près - car le moindre petit écart d’alignement aurait modifié le grossissement, le rendant flou.

Les sphères sont portées par des «bras» en laiton et tenues par des sortes de mains qui préservent leur parfaite rondeur et ne risquent pas de les rayer. Nicolas précise qu’il a été difficile de réaliser ces berceaux d’un seul tenant, une nécessité pour maximiser la stabilité.

Les boucliers de protection qui forment le corps de l’insecte sont réalisés en acrylique coulé - résistance aux chocs, légèreté et clarté optique à la clé - dans les trois couleurs précédemment adoptées par MB&F et L’Epée 1839 pour les trois variantes de T-Rex. Proposés en vert, bleu ou rouge néon (trois éditions limitées à 50 exemplaires), ces boucliers translucides dévoilent le mouvement aux finitions raffinées. Ils permettent également de placer le mouvement au centre de la création afin de reproduire un torse d’insecte et de faire en sorte que la Robocreature se présente sur 360 degrés, et non dans un seul sens. TriPod est la même de tous les points de vue, excepté pour le cœur visible de la créature, le balancier du mouvement. «Ces coques, ou boucliers, représentent la chitine, un exosquelette d’insecte», précise Maximilian Maertens.

TriPod est animée par un mouvement L’Epée 1839 entièrement conçu et produit à l’interne, avec des finitions conformes aux plus hauts standards de l’horlogerie suisse traditionnelle. Il est cependant différent des autres mouvements maison, comme l’explique Arnaud Nicolas: «Nous l’avons conçu avec quatre platines afin de créer trois zones différentes dans le mouvement, conformément au principe de TriPod. Il aurait été plus facile de placer le tout sur un seul niveau mais je suis vraiment exigeant: j’aime aller très loin dans la manufacture. Même si c’est plus difficile, nous ne choisissons pas le plus rentable ni le plus simple, nous préférons le plus judicieux.»

Pour l’essentiel, l’horloge de table TriPod comporte les mêmes mécanismes qu’une montre-bracelet, en plus grand: rouage, barillet, balancier et échappement à ancre. Le régulateur L’Epée 1839 comprend également un système antichoc Incabloc, généralement réservé aux montres-bracelets, afin de minimiser les risques d’endommagement quand on transporte l’horloge.

On pourrait penser que l’augmentation de la taille des composants simplifie le travail. Cependant, sur de grandes surfaces, les finitions raffinées du mouvement prennent beaucoup plus de temps. Nicolas explique: «Doubler la taille des composants implique bien plus que de doubler le temps de finition. La complexité augmente de manière exponentielle… Pour le polissage, on doit exercer la même pression que sur des composants de montre mais sur de plus grandes surfaces, ce qui est plus éprouvant. C’est grâce à l’expérience et à la dextérité de nos horlogers que TriPod peut arborer des finitions aussi parfaites.»

24.9.2020