Le GPHG en toute transparence

Depuis presque deux décennies, le GPHG met chaque année les garde-temps sur le devant de la scène. Restée jusqu’ici dans l’ombre, la Fondation, organisatrice de l’événement, se dévoile au travers des propos de sa directrice, Carine Maillard.

Le 7 novembre prochain, le jury du Grand Prix d’Horlogerie de Genève (GPHG) divulguera les lauréats choisis parmi les 84 montres présélectionnées pour cette 19e édition. Dix-neuf prix seront remis lors de cette soirée, dont l’Aiguille d’or, distinction suprême. Mais comment fonctionne l’organisation de ce grand prix? Quelles sont les nouveautés à venir? Carine Maillard, directrice de cet événement horloger, nous a reçu dans les nouveaux bureaux genevois de la Fondation.

Depuis une dizaine d’année, le Grand Prix d’Horlogerie de Genève étend un peu plus sa notoriété à chaque édition, que ce soit au travers des expositions internationales précédant l’événement, par la diffusion de la soirée de remise des prix sur les réseaux de ses partenaires ou sur son site www.gphg.org ou encore par sa notoriété médiatique. Derrière cette évolution, Carine Maillard et son équipe œuvrent efficacement en silence. Mais commençons par le commencement, à savoir les débuts de cet événement dont le but a toujours été de mettre en valeur les créations les plus remarquables en vue de contribuer au rayonnement de l’art horloger dans le monde.

Histoire
Fondé en 2001, le Grand Prix d’Horlogerie de Genève a pris la forme d’une fondation, reconnue d’utilité publique, en mai 2011. Elle s’est alors donné pour but de saluer l’excellence des productions horlogères mondiales et récompenser annuellement les meilleures créations et les acteurs les plus marquants de l’univers horloger. Les membres fondateurs sont: la République et Canton de Genève, la Ville de Genève, le Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds (MIH), le Laboratoire d’horlogerie et de microtechnique de Genève (Timelab) ainsi que le groupe Edipresse.

Tous les membres fondateurs, à l’exception du groupe Edipresse, sont représentés aujourd’hui au sein du Conseil de fondation, présidé par Raymond Loretan. Afin de servir au mieux les intérêts de la branche, la Fondation s’assure l’expertise d’un Comité consultatif de la profession. Ce dernier a pour mission de conseiller la Fondation, notamment concernant la composition du jury.

A ses débuts, la Fondation était présidée par Carlo Lamprecht qui a laissé sa place, en janvier 2018, à Raymond Loretan. Proche des milieux économiques, acteur du monde politique et des médias, ce dernier met également son expérience diplomatique et internationale au service du GPHG. Homme de convictions et d’engagements, il poursuit, depuis sa venue, le développement de l’institution au plan national et mondial.

Sélection des garde-temps
Tout commence début mai avec l’ouverture des inscriptions. Chaque maison horlogère désireuse de participer au concours envoie son dossier de candidature avec les documents requis et choisit la catégorie dans laquelle elle veut voir figurer son modèle. Elle est libre d’inscrire plusieurs montres, mais au maximum sept pièces.

Vote du jury
Nommés par le Conseil de fondation du GPHG, les membres du jury procèdent à un premier tour de vote à bulletins secrets sur la base d’une riche documentation (photos, vidéos, fiches techniques, etc.) des montres en lice (quelque 200 pièces inscrites cette année). Ils sélectionnent alors six garde-temps pour chaque catégorie et les classent dans leur ordre de préférence. Le dépouillement s’effectue sous contrôle d’un notaire. Ce premier tour de vote permet ainsi de retenir six montres dans chacune des 14 catégories, ce sont les pièces présélectionnées qui participeront à la suite du concours et aux différentes expositions itinérantes.

Toujours sous contrôle d’un notaire, le second tour de vote réunit les jurés à huis clos à Genève, quelques jours avant la remise des prix. Ils évaluent alors les montres présélectionnées sur place, durant une journée entière et leur attribuent des notes. Cette seconde étape permet de définir les montres lauréates dans chacune des catégories. En cas d’égalité, la voix du président du jury, à savoir Aurel Bacs, compte double. Même si les membres du GPHG sont présents lors de cette journée, ils n’ont à aucun moment connaissance des votes étant donné que ceux-ci ont lieu à bulletin secret et sont dépouillés par le notaire.

Le jury procède ensuite au vote de l’Aiguille d’or. Dans un premier temps, chaque juré énonce les montres qu’il juge les plus méritantes pour ce prix parmi tous les garde-temps présélectionnés. Ces dernières sont listées et une discussion s’ensuit, permettant à chacun d’exprimer son avis, s’il le souhaite. Un premier vote a lieu, à bulletin secret, pour définir six montres finalistes parmi les pièces listées, le résultat étant annoncé par le notaire. S’ensuit une discussion, puis un second tour de vote toujours à bulletin secret, pour déterminer la gagnante parmi les six finalistes. Les résultats sont gardés secret. Le jury ne les découvrira que lors de la cérémonie de remise des Prix. La montre ayant remporté l’Aiguille d’or n’est alors plus prise en compte dans la catégorie dont elle est issue.

Pour les Prix de l’innovation, de l’audace et de la révélation horlogère, le processus est le même que pour l’Aiguille d’or: propositions, discussions, votes à bulletin secret.

Récompensant une personnalité, une institution ou une initiative ayant joué un rôle fondamental pour la promotion de l’horlogerie de qualité, le Prix spécial du jury ne peut être attribué ni à une montre ni à une marque en tant que telle. Cette distinction a déjà été remise, par exemple, à Jean-Claude Biver l’année dernière, Anita Porchet et Suzanne Rohr, Philippe Dufour ou encore à la Société suisse de chronométrie (SSC)… la liste n’est pas exhaustive. Le jury propose et vote.

La Fondation étoffe et renouvelle régulièrement les différentes catégories au concours comme par exemple avec la création des catégories Challenge, Montres de Plongée ou Montre Iconique. Cette diversification est opérée en fonction de multiples facteurs et des tendances observées.

Qui sont les jurés?
International et pluridisciplinaire, le jury est nommé chaque année par la Fondation. Il est composé de personnes issues de la branche et venant d’horizons les plus divers (experts, collectionneurs, journalistes, historiens, détaillants, etc.) afin de garantir son équilibre. Il est renouvelé à raison de 20 à 25% à chaque Grand prix. Notons encore que le CEO de la marque ayant gagné l’Aiguille d’or fait partie du jury à l’édition suivante.

La diversité de ce groupe et le mode de scrutin garantissent la neutralité du GPHG. Chaque membre est tenu à la plus grande confidentialité. Carine Maillard nous indique que les réunions du jury se déroulent dans une ambiance conviviale, autour de véritables débats et discussions, chacun échangeant avec ses pairs avant de voter dans le secret, en son âme et conscience.

A qui s’adresse le GPHG?
Toutes les maisons horlogères sans distinction de nationalité sont admises à déposer un dossier pour autant que la pièce mise au concours ait été commercialisée dans les délais définis dans le règlement du GPHG. Pour 2019 étaient admises à participer les montres commercialisées après mars 2018 et, au plus tard, avant la fin octobre 2019.

La marque décide elle-même de la catégorie dans laquelle elle inscrit son modèle. Toutefois la conformité de ce choix avec le règlement du GPHG est contrôlée par le commissaire du jury, Régis Huguenin-Dumittan, conservateur du MIH qui peut suggérer d’éventuels changements de catégories. In fine c’est la marque qui décide la catégorie dans laquelle elle veut voir sa montre concourir.

Les marques participantes proviennent aussi bien de grands groupes (LVMH, Richemont, Swatch Group) que d’horlogers indépendants. Il y a toutefois encore quelques absents comme Rolex ou encore certaines maisons du Swatch Group et du groupe Richemont.

Expositions itinérantes
Initiées dans le but de mettre en valeur l’art horloger, le savoir-faire des métiers et la vitalité de toute l’horlogerie auprès d’un public international, les expositions présentant chaque année les garde-temps présélectionnés sont de belles opportunités pour les maisons horlogères de faire découvrir à travers le monde leur modèle contemporain lors d’événements exceptionnels. En marge de l’exposition ouverte au public, la Fondation organise également, avec le soutien de partenaires locaux, des ambassades ou de son «main sponsor» des dîners privés avec des amateurs de belle horlogerie, des collectionneurs et des clients finaux.

Cette année, Carine Maillard et son équipe ont débuté la tournée par Sydney où l’exposition s’est tenue au cœur de la boutique The Hour Glass de King Street après une soirée d’inauguration au Cruise Bar, face à l’iconique opéra de Sydney. Elle a continué son parcours à Bangkok, toujours en partenariat avec le même distributeur (PMT The Hour Glass). Des événements exclusifs ont également eu lieu en parallèle à l’ouverture de l’exposition au public. Puis, changement de continent et arrivée à Mexico City dans le cadre du salon horloger SIAR (Salon Internacional Alta Relojeria). Les montres ont ensuite pris la route pour le Museo Internacional del Barroco de Puebla et terminé leur virée par une présentation plus ciblée chez Torre Joyas. Et, comme chaque année, le road show s’achèvera à Genève par une grande exposition multifacette offerte au grand public. Les garde-temps ayant remporté un prix seront encore exposés dans le cadre de la Dubai Watch Week.

En 2019, c’est à nouveau au cœur du Musée d’art et d’histoire (MAH) de la Cité de Calvin que l’exposition se tiendra du 1er au 14 novembre. En marge des montres nominées, l’institution muséale exposera des fleurons de ses collections horlogères. Il sera également possible de prendre part à des ateliers où démonter et remonter un mouvement n’aura plus de secret pour les participants. Les étudiants de la Haute école d’art et de design (HEAD) de Genève participeront aussi à ce moment fort et présenteront des travaux des élèves de la chaire en design horloger. Chaque visiteur est le bienvenu, tout comme les partenaires du Grand prix qui profitent généralement de cet événement pour organiser des visites guidées de l’exposition agrémentées de sessions «d’initiation à l’horlogerie». Ces dernières sont toujours bien accueillies par les novices en la matière ou les écoles qui y voient là le moyen d’informer leurs élèves sur les métiers liés à l’horlogerie.

Médiatisation du GPHG
La cérémonie de remise des prix, devenue un événement incontournable, souvent comparé aux Oscars de l’horlogerie, est rediffusée en direct sur le site de la Fondation ainsi que sur les canaux des divers partenaires (Worldtempus, Watchonista, Hodinkee, Watchtime, etc.). La télévision Léman bleu couvre également l’événement. Des milliers de personnes - proches ou à l’autre bout du monde - suivent ainsi ce haut moment horloger. Depuis quelques années, la chaîne de télévision Euronews prend activement part à la manifestation. Les magazines spécialisés consacrent quant à eux de nombreux articles, lors des expositions dans le monde et pour le point d’orgue que représente la Cérémonie de remise des Prix.

A l’heure de l’instantanéité le GPHG offre aux médias et aux marques horlogères une plateforme digitale, - Le Média Center - leur permettant d’accéder en temps réel durant tous les événements et lors de la cérémonie au matériel photo, vidéo, interviews des CEO, etc. Cette réactivité permet aux médias, mais également aux marques gagnantes, de disposer très promptement de l’information pour leur propre communication.

Financement du GPHG
La République et Canton de Genève, tout comme la Ville de Genève, soutiennent financièrement cet événement, en parallèle à des partenaires privés. En effet, afin de garantir sa parfaite indépendance, la Fondation à but non lucratif, ne reçoit aucun financement de la branche horlogère hormis les frais d’inscription et de participation des marques. La recherche de financement extérieur à cette industrie est donc cruciale.

Dîner de gala du GPHG
Ce moment fort de l’année ne saurait se terminer sans une soirée dédiée, organisée au sein de l’Hôtel Kempinski, faisant toit avec le Théâtre du Léman où se déroule l’événement. L’occasion est ainsi donnée aux maisons participantes de célébrer l’excellence horlogère entourées d’amis, d’ambassadeurs ou de collaborateurs.

Nouveautés 2020
L’an prochain, le GPHG fêtera sa 20e édition. Carine Maillard nous a révélé les nouveautés en préparation aux vues de cet anniversaire. Principale innovation, la création d’une Académie réunissant quelque 500 personnes, de bords différents, toutes passionnées et impliquées dans la branche horlogère. Fonctionnant sur le principe des Oscars ou des Césars, cet imposant projet changera le paradigme de vote, de recensement et de sélection des montres. Les marques continueront de déposer leurs dossiers, mais, en parallèle, les «académiciens» pourront présenter leurs choix à la Fondation. Ils prendront également part aux votes.

Autre nouveauté annoncée: les montres ayant gagné la récompense suprême - l’Aiguille d’or - lors des 19 éditions du GPHG feront l’objet d’une exposition spéciale qui sera présentée à Watches & Wonders Geneva et à Baselworld.

Carine Maillard, qui êtes-vous?
Carine Maillard dirige depuis 2011 la Fondation du GPHG. Après avoir étudié l’histoire de l’art à l’Université de la Cité de Calvin, elle a collaboré à l’organisation d’expositions pour le MAH, contribution qui lui a ouvert les portes du GPHG. Carine apprécie non seulement les garde-temps sous toutes leurs coutures, mais également tout le domaine événementiel lié au GPHG. Souriante, communicative et motivée, Carine Maillard remplit à merveille son rôle de directrice de ce grand événement horloger.

Avant de terminer cet entretien, nous avons demandé à Carine Maillard si elle avait un vœu à formuler pour le Grand prix? Elle souhaite qu’il se développe évidemment, nous dit-elle. Et les projets futurs, dont la création d’une Académie, vont dans ce sens…

24.10.2019