Lauréats du Prix Gaïa 2017

Richard Mille, Laurence Marti et Jean-Marc Wiederrrecht

A fin août, les noms des lauréats du Prix Gaïa 2017 ont été dévoilés. Le trio gagnant s’est vu remettre le globe de cristal au Club 44 le 21 septembre dernier devant une foule de passionnés d’horlogerie issue du monde professionnel et amateur.

Comme chaque année, de nombreux dossiers de candidatures sont arrivés au Musée international d’horlogerie (MIH) qui préside le prix. Les propositions doivent être remises par des tiers et concerner des personnalités suisses ou étrangères issues de milieux divers, comme culturel, journalistique, scientifique ou encore économique. Le jury, présidé par le conservateur du MIH, Régis Huguenin-Dumittan, apprécie ensuite en toute neutralité les dossiers.

La remise de cette distinction internationale s’est tenue le 21 septembre dernier au Club 44, à La Chaux-de-Fonds. Directeur de Présence Suisse, Nicolas Bideau a honoré la soirée de sa présence. L’édition 2017 a couronné Jean-Marc Wiederrecht dans la catégorie Artisanat et création pour son apport inventif dans le registre des complications horlogères, mariant la fonctionnalité à l’esthétisme au bénéfice de nombreuses marques. Laurence Marti pour le domaine Histoire et recherche auquel elle a apporté sa contribution essentielle à la connaissance de l’histoire sociale de l’horlogerie par le maniement de sources originales et dans un esprit d’indépendance pleinement assumé. Et finalement Richard Mille dans la catégorie Esprit d’entreprise pour son rôle moteur joué par la maison éponyme dans la définition, sur la scène internationale, d’une horlogerie suisse de prestige moderne, audacieuse et innovante par l’emploi de matériaux originaux et le développement de créations futuristes.

Artisanat et création
Par ses créations poétiques, Jean-Marc Wiederrecht a su renouveler la philosophie des complications horlogères.

Sa carrière
Né en 1950, Jean-Marc Wiederrecht obtient son diplôme d’horloger à Genève en 1972. Il travaille ensuite trois ans pour la maison Châtelain et s’établit à son compte dès 1978. Dès 1990, il développe des complications rétrogrades. Son premier quantième perpétuel birétrograde, destiné à la maison Harry Winston, constitue d’emblée une première dans le monde de l’horlogerie. Il marque aussi le début d’une relation privilégiée entre Jean-Marc Wiederrecht et la marque.

En 1996, il fonde avec son épouse Catherine la société Agenhor, abréviation d’Atelier genevois d’horlogerie, dédiée à l’étude, le développement et la fabrication de mécaniques horlogères.

Les années 1990 sont jalonnées de nombreuses inventions, essentiellement celles des affichages rétrogrades et excentrés, telles que le Double fuseau, la Trirétrograde, l’Equation du temps et le Temps universel. Dès 1996, Jean-Marc Wiederrecht et son équipe créent de nouvelles complications, dont la True North, l’Opus 9 et la Golf Counter. A ce jour, Agenhor a déposé plusieurs brevets, dont celui de l’engrenage sans ébat.

Fasciné par «l’extraplat» en raison de ses difficultés et contraintes techniques, la première complication de Wiederrecht est une phase de lune pour Chopard, prévue pour entrer dans le même boîtier que le modèle original sans phase de lune. Sa première «complication poétique», il la crée en
2005 pour la maison Van Cleef & Arpels et la baptise «le Quantième de Saisons».

Comme il le dit lui-même, il crée des montres «à complications poétiques» car elles matérialisent des techniques horlogères avancées dans le but d’arrêter le temps, d’en parler, d’y penser.

Discrétion et simplicité sont les maîtres-mots de la philosophie de l’entreprise qui emploie une trentaine de personnes dans un bâtiment conçu dans le respect de l’environnement et du développement durable. Agenhor fabrique quelques centaines de pièces par année pour différentes marques. L’entreprise est une affaire familiale, dans laquelle l’épouse ainsi que les deux fils de Wiederrecht sont aussi investis.

Lauréat de nombreuses distinctions depuis 1996, il est régulièrement primé au Grand prix d’horlogerie de Genève.

Ses travaux
Engrenage sans ébat L’engrenage sans ébat assure une transmission de force optimale, un affichage propre et la stabilité des aiguilles grâce auxquels plusieurs premières mondiales ont pu être réalisées.

Le Temps suspendu pour Hermès Cette montre a la fonction de suspendre les aiguilles des heures et des minutes pendant une durée choisie, jolie métaphore de la valeur du temps qui passe. Derrière un geste simple et ludique se cache un mécanisme sophistiqué capable de faire oublier l’heure par un subtil jeu de cames, de pignons et de secteurs. Protégé par deux brevets - l’un pour son architecture, l’autre pour les dents d’engrenage à rattrapage de jeu. Les phases «marche» et «mise en suspens» du temps sont coordonnées par deux roues à colonne synchronisées, l’une dévolue aux heures, l’autre aux minutes couplées à la date. Le mécanisme rétrograde à 360° des heures et des minutes fait disparaître le temps sans interrompre la marche du mouvement.

Quantième de Saisons pour Van Cleef & Arpels Ce mouvement complexe vise à dévoiler progressivement et successivement les parties du fond du cadran. Sa prouesse technique réside dans sa capacité à faire tourner ce disque lourd émaillé ou en verre aventurine, au rythme d’un degré à peine par jour. Le mouvement Quantième de Saison permet de structurer le temps au rythme des saisons.

L’Opus 9 pour Harry Winston Alliant pureté du design et précision, l’Opus 9 offre une lecture différente de l’heure. Signature des garde-temps Harry Winston, l’innovation technique s’associe à des diamants, qui ne se réduisent plus à leur fonction décorative; ils sont partie intégrante du mécanisme d’affichage de l’heure. Les heures et les minutes sont indiquées par deux chaînettes parallèles de diamants. Chaque chaîne est ornée de 33 diamants taille émeraude, la signature Harry Winston. Des grenats mandarins, orange vif, sont positionnés pour indiquer les heures et les minutes. Faites de laiton, les chaînettes sont conçues pour optimiser la mobilité et réduire les frottements.

Agengraphe
En 2017, Agenhor dévoile l’Agengraphe, mouvement chronographe avec indications centrales du temps mesuré.

Histoire et recherches
A l’aise aussi bien en historienne qu’en sociologue, Laurence Marti porte une attention accrue aux acteurs de l’histoire industrielle et sociale de l’Arc jurassien horloger.

Sa carrière
Laurence Marti est née à Bévilard dans le Jura bernois. Elle s’est formée en sociologie et histoire aux Universités de Lausanne et de Lyon 2. Elle travaille, de 1992 à 1996, au sein du Groupe lyonnais de sociologie industrielle, laboratoire de recherche du CNRS, où elle acquiert une spécialisation dans l’analyse des petites et moyennes entreprises et où elle réalise un doctorat. Elle ouvre, en 1997, un bureau de recherche privé à Aubonne (VD). Depuis cette date, elle met ses compétences scientifiques à la disposition des entreprises, institutions, associations, musées et personnes privées pour la réalisation de projets de recherche, la préparation d’expositions, la réalisation d’ouvrages commémoratifs, etc.

En 2001, elle participe à la création du Centre jurassien d’archives et de recherches économiques (CEJARE) à Saint-Imier, dont elle assure la présidence de 2001 à 2008.

En tant qu’historienne et sociologue, Laurence Marti a acquis une grande expérience dans l’analyse de sources les plus diverses; elle a notamment développé des compétences spécifiques dans le recueil et le traitement de la mémoire orale. Les supports utilisés par Laurence Marti pour la mise en valeur de ses travaux sont multiples: ouvrages, brochures, articles, vidéos, expositions, parcours didactiques, etc.

Présidente du Conseil de fondation de Mémoires d’ici, centre de recherche et de documentation du Jura bernois à Saint-Imier, elle est active dans plusieurs autres sociétés. En 2011, elle reçoit la distinction pour mérites exceptionnels dans le domaine de la culture, attribuée par le Conseil du Jura bernois.

Laurence Marti a en outre réalisé de nombreux ouvrages, dont «Le renouveau horloger», sorti en 2016 aux Editions Alphil.

Esprit d’entreprise
Richard Mille incarne une vision nouvelle de l’horlogerie moderne, il déborde de créativité pour proposer des pièces de prestige audacieuses à la pointe de l’innovation.

Sa carrière
Né à Draguignan en 1951 dans le sud de la France, Richard Mille est un passionné de mécanique qui a su s’imposer rapidement dans l’univers de l’horlogerie suisse. Après des études de marketing à Besançon, il rejoint en 1974 l’entreprise horlogère Finhor en tant que responsable du service exportations, puis comme directeur pour l’ensemble des marques horlogères, lorsque le groupe Matra acquiert Finhor. En 1994, il devient président de la division horlogère de Mauboussin et est désormais reconnu dans le domaine de l’horlogerie de luxe. Quatre ans plus tard, il quitte Mauboussin pour s’établir à son compte comme consultant en développement d’horlogerie.

En 1999, il commence le développement de sa propre ligne de montres. Inspiré par l’aviation et l’automobile, il imagine des montres hautement technologiques. En 2001, la collection Richard Mille est lancée. La fabrique s’installe aux Breuleux et produit sa première montre, la RM 001.

L’ambition de l’entreprise Richard Mille est forte. Il s’agit de permettre à l’horlogerie d’atteindre de nouveaux horizons selon trois concepts: d’abord une technique poussée à l’extrême, ensuite une dimension architecturale donnée aux montres, et enfin une finition à la main. Richard Mille se distingue par une rupture radicale avec le passé; ses montres sont reconnaissables entre toutes. En 2007, la maison intègre la Fondation de la haute horlogerie.

Sa vision des codes de l’horlogerie et son goût prononcé pour les défis ont permis à Richard Mille de s’entourer des meilleurs fabricants suisses de mouvements et de développer une marque prestigieuse, sponsorisant de nombreux athlètes de haut niveau actifs dans des disciplines très variées.


Principales réalisations
RM 63-02 World Timer (2017)
La première montre de cette série fut présentée avec succès en 2013 au Salon international de la haute horlogerie. Créée pour les grands voyageurs, elle a fait forte impression grâce à son mécanisme de minuterie mondiale complexe, mais facile d’utilisation. Cette nouvelle version propose encore plus d’innovations avec un nouveau mouvement automatique, un calibre en titane et une lunette tournante indiquant les fuseaux horaires.

RM 19-02 Tourbillon fleur (2015)
Avec ce modèle, Richard Mille revisite la tradition horlogère des automates, avec une fleur de magnolia qui s’ouvre et se ferme au gré des minutes ou sur demande. En plus du raffinement de cette fleur fabriquée et peinte à la main, le tourbillon s’ouvre et soulève un diamant pour imiter le mouvement d’éclosion de la fleur. Le mécanisme permettant ce ballet est très complexe, cinq leviers sont dissimulés sous les pétales et un pignon actionne le tourbillon volant.

RM 27 Tourbillon (2010)
Il s’agit de la montre mécanique à tourbillon la plus légère du monde. Richard Mille l’a créé pour le tennisman Rafael Nadal, qui la portait lors de ses tournois victorieux à Roland Garros, Wimbledon et l’US Open. Suite à cette création, la collaboration entre Rafael Nadal et Richard Mille fut répétée à trois reprises.

RM 07-01 My Fair Lady (2014)
Ce modèle féminin répond à la demande d’une clientèle exigeante, alliant harmonie, élégance et technicité. En effet, même si cette montre se présente comme un bijou avec ses nombreux diamants, elle condense des mécanismes innovants laissés visibles par un mouvement squeletté. Depuis, plusieurs autres versions de montres féminines ont été produites par Richard Mille, la plus récente comportant un boîtier réalisé à partir de blocs de saphir rose.

Le jury
Cette année, le jury était composé de Régis Huguenin, conservateur du MIH et président du jury, Jean-Michel Piguet, conservateur-adjoint du MIH, Henry John Belmont, consultant en horlogerie, Patrick Dubois, président du Laboratoire Dubois, Estelle Fallet, conservatrice en chef du Musée d’art et d’histoire de Genève, Stephen Forsey, président de Greubel Forsey, Joël Grandjean, journaliste et rédacteur en chef de Watchonista.com, Morghan Mootoosamy, conservateur du Musée d’horlogerie du Locle, Château des Monts, Dominique Mouret, pendulier-restaurateur, Nicolas Rossé, journaliste économique à la RTS, Nathalie Tissot, professeure de propriété intellectuelle à l’Université de Neuchâtel, Sylvain Varone, responsable du secteur horlogerie du Centre interrégional de formation des Montagnes neuchâteloises, et Janine Vuilleumier, rédactrice en chef de la Revue FH.

19.10.2017