«La Ferme» de Blancpain, écrin des métiers d'art

De tout temps, l’horloger-artisan a eu à cœur de décorer les montres afin de les rendre plus précieuses. Blancpain a réservé un espace dédié aux métiers d’art où graveurs, maîtres-horlogers et émailleurs consacrent leurs passions à la conception et à l’embellissement de garde-temps de haute valeur.

Créée en 1735 par Jean-Jacques Blancpain à Villeret (Jura bernois), la manufacture a vu se succéder à sa tête sept générations du même nom. En 1932, elle fut reprise par Betty Fiechter, fidèle collaboratrice qui travaillait au sein de l’entreprise depuis 1915. En 1983, Blancpain est racheté par Jacques Piguet, fils de Frédéric Piguet et directeur de l’entreprise éponyme, ainsi que par Jean-Claude Biver. En 1992, Blancpain devient la propriété du Swatch Group. La marque est désormais dirigée par Marc A. Hayek, président et CEO de Blancpain, Breguet et Jaquet Droz. L’entreprise compte aujourd’hui quelque 800 employés en Suisse.

Si le site du Sentier est plus particulièrement centré sur la fabrication des composants et la recherche & développement, celui du Brassus se concentre sur les métiers d’art ainsi que les grandes complications. Communément appelée «La Ferme», cette ancienne bâtisse séculaire abrite les artisans de la maison et les horlogers qui s’attellent au montage des grandes complications. Située en bordure de forêt, la maison offre aux employés un havre de paix et un cadre sans pareil pour œuvrer en toute tranquillité à leurs tâches respectives nécessitant une grande concentration. Ateliers des grandes complications, ateliers de gravure, peinture sur émail et damasquinage sont ainsi réunis sous le même toit et font de cet endroit un véritable haut-lieu des métiers d’art de l’horlogerie.

«La Ferme»
Tranquillité et lumière baignent les divers ateliers de la maison. Là, aucune ligne de production, mais des artisans et des horlogers qui rendent hommage à leur art en perpétuant les techniques et savoir-faire développés par leurs lointains prédécesseurs. Blancpain est l’une des rares manufactures où les horlogers qui s’occupent des grandes complications assemblent un mouvement du début à la fin.

Si l’excellence d’une montre Blancpain est déterminée par ses choix techniques et sa fiabilité, elle l’est également par son degré de finition, signe distinctif de la haute horlogerie. Les techniques de finition et de décoration relèvent d’une tradition artisanale et d’un savoir-faire ancestral. Elles sont réalisées à l’aide de pierres, de limes, de brunissoirs, de cabrons ou de papiers abrasifs, même sur les pièces invisibles au regard. Ce type de travail, comme tous ceux liés à l’horlogerie, demande de la dextérité, du savoir-faire et beaucoup de patience.

La gamme des techniques de finition et de décoration manuelles mises en œuvre par Blancpain est vaste et représente un héritage horloger séculaire. Au sein de «La Ferme», chaque technique dispose de son atelier dédié d’où les pièces ressortiront embellies, ennoblies.

Perlage
Le perlage consiste à réaliser sur les platines et les ponts de petits cercles concentriques très rapprochés, empiétant légèrement les uns sur les autres. C’est l’artisan et non une machine qui décide de l’emplacement de chaque cercle. Afin d’assurer une régularité parfaite dans l’apposition des «perles», une grande dextérité et une pratique sans faille sont nécessaires.

Côtes de Genève
Ponts et masses oscillantes des mouvements sont généralement décorés par ses vagues régulières, réalisées à l’aide d’une petite meule. Là aussi, la régularité du décor doit être irréprochable et cette technique manuelle exige donc une grande adresse.

Anglage
Si l’anglage est une opération courante dans l’horlogerie, elle prend un tout autre aspect dans les ateliers de «La Ferme» où cette opération est effectuée à la main. L’artisan s’applique à casser et à polir les angles d’une pièce appelés «chanfreins». L’authenticité de l’anglage fait main se voit à la netteté des coins rentrants et sortants, qu’aucune machine n’est capable de réaliser.

Poli miroir
Le poli miroir ou poli noir est réalisé sur un bloc de zinc sur lequel l’artisan dépose une petite couche de pâte abrasive appelée «diamantine». Les artisans-décorateurs frottent délicatement la pièce à polir en mouvement circulaire sur le zinc pour obtenir une surface brillante comme un miroir. Là aussi, la régularité du geste assure à la pièce tout son éclat.

Gravure
De tout temps, l’homme a porté une attention particulière à la décoration des objets d’art, montres de poche ou montres-bracelets. Blancpain n’échappe par à la tradition et a dédié un atelier à cette technique ornementale. A l’aide d’un petit burin et d’un microscope, les graveurs reproduisent par incision dans la matière les croquis dessinés à la main. Lorsque le thème ressort de la matière, les effets de lumière sont créés en polissant la pièce afin d’obtenir le résultat optimal.

Ponts, masses oscillantes, figurines d’automates, fonds de boîtier sont ainsi décorés entièrement à la main avant d’être assemblés et faire partie d’une collection ou de séries constituées de pièces uniques. Pour des garde-temps personnalisés, les graveurs travaillent d’après un dessin choisi par le futur propriétaire, garantissant l’unicité de la montre qui devient ainsi une authentique œuvre d’art produite à un seul exemplaire.

Création de cadrans
La confection de cadrans raffinés est l’une des grandes spécialités de l’horlogerie. L’élégance particulière des cadrans Blancpain est le résultat de recherches intransigeantes et d’essais innombrables pour obtenir précisément les justes proportions, teintes, textures, découpages et qualités réfléchissantes. Seule une telle approche minutieuse et un travail main dans la main avec les concepteurs de mouvements permet de parvenir à une lisibilité et une esthétique répondant aux stricts critères de la marque.

Cependant, seule une poignée de fabricants de cadrans est capable d’atteindre un tel niveau d’exigence. La conception du cadran est aussi devenue un sujet d’études pour la quête inventive de la marque. Avec d’une part l’introduction de matériaux tels que l’émail grand feu, la nacre ou encore les fibres de carbone, et d’autre part avec la création des ateliers de peinture sur émail et de damasquinage. Au registre des spécialités, Blancpain a développé deux techniques qui lui sont propres, le Shakudo et le Rokusho.

Le Shakudo
Art japonais séculaire, le Shakudo était utilisé par les samouraïs pour embellir certains éléments de leurs katana (longues épées). Maîtrisant cet art, les artisans de Blancpain l’utilisent pour créer des cadrans de montres uniques. Techniquement, le Shakudo est un procédé qui permet de transformer la teinte jaune-orange naturelle d’un alliage d’or et de cuivre en un gris foncé aux nuances subtiles. La surface est ensuite brossée afin d’ajouter de la texture à la couleur obtenue. Cette technique repose sur une grande part d’essais et de tâtonnements jusqu’à obtention de la couleur souhaitée. Le Shakudo peut être associé à des techniques de décoration complémentaires, comme la gravure, le damasquinage ou le ciselage.

Magnifique exemple de l’utilisation de cette technique, le Ganesh Shakudo. Le culte de Ganesh, dieu à tête d’éléphant, est répandu dans l’hindouisme et le bouddhisme. Blancpain a créé plusieurs montres dont le cadran est orné d’un Ganesh, mais chaque pièce est unique puisque les teintes et les reflets varient, entre autres, en fonction de la température ou encore de la durée du bain. Le processus commence pourtant de la même manière: l’artisan dessine une esquisse sur du papier. L’image de Ganesh correspond toujours à une «applique» confectionnée en or massif et gravée à la main. Différentes versions de ce «dieu» ont déjà été réalisées par la marque.

Rokusho
Autre art maîtrisé par la maison du Brassus, le Rokusho. Cette patine japonaise a été mise à l’honneur sur un fond d’obsidienne argentée du Mexique sur le modèle La Grande Vague. Roche volcanique vitreuse, l’obsidienne est reconnue pour ses vertus apaisantes. Sa teinte mystérieuse piquetée de nuages floconneux argentés lui confère le charme recherché pour la réalisation d’un garde-temps hors du commun. Cette pierre fine sert de support à l’applique «La Grande Vague» réalisée en or gris. La technique utilisée par Blancpain pour concevoir cette applique nécessite plusieurs phases. Elle est tout d’abord fixée sur une base en Shakudo pour être ensuite patinée avec le Rokusho. Ce dernier est constitué d’un bain de sels de cuivre dans lequel la pièce est plongée. Une fois la patine réalisée, le Shakudo est retiré. Ensuite, certaines parties du rouleau de la vague sont polies afin d’intensifier la sensation de vague grondante. Finalement, la gravure est fixée sur l’obsidienne argentée du Mexique. L’ensemble de ces étapes confère à la pièce un aspect changeant, jouant sur les tonalités et le mystère du cadran. La gravure est inspirée par La Grande Vague de Kanagawa, estampe japonaise réalisée par l’artiste Hokusai.

Montres érotiques
On ne peut parler des métiers d’art de la maison sans évoquer les montres à automates, dont leurs sujets sont souvent des scènes érotiques. Apparues vers la fin du 17ème siècle, ces pièces très spéciales ont une apparence immédiatement reconnaissable. Les horlogers vont donc rivaliser d’ingéniosité et de fantaisie pour séduire les potentiels acquéreurs de ces rares et onéreuses réalisations. Cette évolution parvient cependant rapidement aux oreilles des autorités religieuses qui s’allient aussitôt dans les cantons suisses de Genève et Neuchâtel pour combattre cet art à l’expression trop libertine. La production de montres érotiques est dorénavant interdite et les modèles existants passibles de saisie. Le destin des montres confisquées est à la fois prévisible et sinistre: elles sont purement et simplement détruites.

L’inventivité des horlogers sera salvatrice pour quelques unes de ces raretés car, plutôt que de disposer les automates de manière ostensible sur le cadran ou l’arrière de la boîte, ils créent un couvercle séparé sur le fond de la boîte qui met les automates à l’abri des regards inquisiteurs. Lorsque la charnière est refermée, rien ne distingue la montre érotique d’un garde-temps classique.

Malgré les habiles moyens déployés pour échapper à la censure et à la saisie des objets mis en cause, la création des montres érotiques interdites est très compromise. Plus encore, cette complication ne passera pas des montres de poche aux montres-bracelets, lors de la transformation de l’industrie horlogère au début du 20ème siècle.

En 1993, Blancpain redonne une seconde vie à cette complication aussi célèbre que clandestine, en présentant le calibre 332. Elle marque d’une pierre blanche l’univers des montres-bracelets sous la forme de la première répétition minutes avec automates au monde. Dans une véritable prouesse horlogère, les figures (érotiques ou non) sont associées au délicat mécanisme du mouvement. L’intégration d’automates dans une répétition minutes est une opération très délicate car l’animation des personnages requiert une grande quantité d’énergie. Pour mesurer l’ingéniosité de l’art horloger, il convient de remarquer que le mouvement des automates doit être réalisé de manière à ne pas entraver le fonctionnement du mécanisme délicat de la répétition minutes. Réalisée à l’échelle d’une montre-bracelet, cette contrainte, déjà considérable dans une montre de poche ou une horloge, devient une véritable gageure. Pour rendre ce défi plus ahurissant encore, les automates des montres érotiques Blancpain figurent sur le plus petit mouvement à répétition minutes du monde. Dans la foulée, la maison apporte encore une grande modification à ces nouveaux garde-temps érotiques: ils ne sont plus dotés de couvercles cachant les scènes décriées. Ces dernières peuvent être admirées en retournant simplement la pièce, tandis que le côté cadran mise sur la sobriété et la discrétion.

Chacune des pièces sortant des ateliers d’art de la maison est unique, cette mention est même gravée au dos de la montre.

Complications horlogères
Enfin, l’atelier des complications réunit les maîtres horlogers de la maison qui assemblent de A à Z les mouvements de ces pièces hors du commun, comme les phases de lune, le chronographe à rattrapante, le quantième perpétuel, les calibres ultraplats, le tourbillon volant une minute, le carrousel volant, le calendrier chinois ou encore la répétition minute... la liste n’est pas exhaustive. Rien n’échappe aux yeux de ces «lynx du montage, pros de la minutie qui n’hésitent pas recommencer leur tâche si la précision du garde-temps n’est pas au rendez-vous ou la tonalité de la répétition minutes aussi limpide qu’attendue.

Véritable écrin des métiers d’art où naissent des garde-temps uniques, raffinés, ultra précis et numérotés pour une meilleures traçabilité, «La Ferme» reste un lieu magique, creuset de l’artisanat où le seul mot d’ordre est «perfection».

19.1.2017