Hugo Rittener, fabricant d'automates

Hugo Rittener (Photo: Nikolaï Porchet)

Hugo Rittener nous a ouvert les portes de son petit atelier du Jura-Nord vaudois où il donne vie à ses automates, comme le Serveur de thé ou encore L’écrivain, un double de lui-même.A chacune de ses réalisations, il s’émerveille lorsque ses fascinants objets s’animent entre ses mains après de très longues heures de travail.

Tout a commencé au fond du garage de papa, alors que Hugo Rittener, très habile de ses mains, décide d’y aménager un atelier de bricolage… il a alors 14 ans. Au moment de choisir un apprentissage, il se dirige instinctivement vers un métier manuel. Il se forme alors comme polymécanicien, au sein d’une cimenterie, loin du monde de l’horlogerie et de la microtechnique. A l’âge de 17 ans, en parallèle de son apprentissage, il découvre, par le biais de vidéos, la beauté et la pureté des mécanismes qui habitent les automates. Ce fut une révélation pour lui et dès ce moment, il a su qu’il allait diriger sa vie professionnelle dans cette voie. Mais ne devient pas automatier qui veut… le parcours sera long!

Pour élargir ses connaissances en fabrications et conception mécanique, tout en se dirigeant vers le milieu horloger, Hugo travaille quelques années en tant que prototypiste dans une entreprise de métallurgie, puis dans l’horlogerie à la Vallée de Joux. Toutefois, il reste toujours sur sa faim de créer des automates et de joindre le monde de la mécanique à celui de la poésie. En parfait autodidacte, il décide alors de se lancer dans une telle réalisation.

Avant de s’aventurer dans la complexité du mécanisme d’un automate, Hugo Rittener s’est attelé à la construction d’une pendule de table, instrument similaire, mais moins complexe. Il déchiffrera donc les mystères de l’horlogerie au travers d’une première pièce qu’il a conçue dans sa quasi-totalité: ponts, rouages, cadran, aiguilles. Même le socle en bois de frêne a été façonné de ses mains. Toutes les matières le passionnent et c’est à chaque fois une nouvelle découverte pour lui d’ouvrager d’autres matériaux.

Après avoir réalisé deux pendules de table, il était temps pour le jeune créateur de se lancer dans la construction d’un premier automate… il sera serveur de thé! Lorsqu’il élabore une nouvelle réalisation, Hugo Rittener la visualise dans son intégralité: quelles en seront les fonctions? Quelle grandeur aura-t-elle? Quel volume occupera-t-elle? A l’aide de la réalité numérique - là aussi, il est autodidacte -, il dessine chacune des pièces par le biais du programme Fusion 360. Et c’est sur la base de ces planches techniques qu’il crée, pièce après pièce, rouage après rouage, le mécanisme de son futur automate. Pour certaines opérations, comme pour la création du visage, il collabore avec un artiste de sa région spécialisé dans la 3D. Une amie couturière réalisera quant à elle les habits qui draperont ce personnage.

Regarder une œuvre prendre vie est une énorme fierté pour ce jeune créateur. Après des centaines d’heures de travail, la satisfaction de voir enfin s’animer le personnage créé le plonge dans un état onirique.

Lorsque ce premier automate a vu le jour, la question suivante s’est posée: et après? Par soif de découverte, Hugo Rittener a mis la barre plus haut et décidé de réaliser un personnage dans son intégralité. Quelles fonctions lui donner? Il n’a pas cherché loin et a tout simplement conçu un double de lui-même, plutôt bien réussi! Selon le même procédé que le Serveur de thé, il a façonné les quelque 470 pièces mécaniques lui-même. S’y rajoutent celles de l’habillement et du visage où les paupières, par exemple, sont en peau d’agneau, un des cuirs les plus fins qui existent. Indépendamment de tout le travail voué à la conception de l’automate, Hugo a passé des heures à peindre le visage de son double afin que la ressemblance soit la plus réaliste possible. Au final, cet humanoïde bouge son corps, tourne la tête, ferme ses minuscules paupières, écrit de sa main droite et tape sa cigarette dans un cendrier de sa main gauche. Le cycle des mouvements dure 1 minute et 20 secondes et se répète, le tout agrémenté d’une mélodie provenant d’une boîte à musique à 36 lames. Hugo n’a pas comptabilisé le nombre d’heures passées à la réalisation de cet automate. C’est une passion, presque une drogue, un besoin de créer qui le fait vivre.

Depuis un an, Hugo a la chance de conjuguer sa passion avec son quotidien. Il travaille en effet aux côtés de François Junod, automatier bien connu de Sainte-Croix. Au sein de cet autre atelier, il y découvre de nouvelles facettes du métier et se spécialise également dans la réalisation d’automates plus complexes. Pour exemple, la Fontaine aux Oiseaux de Van Cleef & Arpels, dévoilée au salon Watches and Wonders en mars 2022, une magnifique mise en scène de deux oiseaux qui se conte fleurette au bord d’une fontaine animée.

Aujourd’hui, ce jeune créateur est fier de travailler pour cet art mécanique qui revient sur le devant de la scène par le biais de grandes maisons horlogères. Très attaché à ses terres, il est également fier d’être ambassadeur de sa région du Jura-Nord vaudois, le berceau des automates et des boîtes à musique.

Hugo est également très reconnaissant envers toutes les personnes qui l’ont soutenu tout au long de ce parcours, comme ses formateurs d’apprentissage qui lui ont transmis les bases et les valeurs de la mécanique helvétique, sa famille et son amie qui l’encouragent chaque jour, et tout l’ensemble de l’atelier de François Junod avec qui il partage et perpétue ce savoir-faire unique au monde.

Comblé par son passionnant métier, Hugo Rittener nourrit encore de beaux rêves, à savoir la réalisation d’un troisième automate qui a déjà pris vie dans ses pensées et le vœu d’être un jour, dans un avenir qui lui semble encore lointain, à son compte. D’ici-là, nul doute que d’autres automates seront sortis des ateliers de Romainmôtier et auront peut-être trouvé acquéreur.

12.1.2023