Jubilé du MIH: Brut. 50 ans d’un écrin monumental

Les célébrations des 50 ans de l’installation du Musée international d’horlogerie sur son site actuel battent leur plein. L’exposition «Brut. 50 ans d’un écrin monumental» retrace la partie historique, complétée par des publications dédiées à cet anniversaire. Une seconde exposition présente les nouvelles acquisitions.

Brut. 50 ans d’un écrin monumental
L’année 2024 marque le 50e anniversaire de l’installation du Musée international d’horlogerie (MIH) dans son bâtiment actuel, creusé dans le flanc du Parc des musées de La Chaux-de-Fonds. Sans artifice, cette enveloppe fait symbiose avec le parc végétal par son inspiration troglodyte et immerge le visiteur dans l’univers de la mesure du temps. Les travaux débutent en 1972 et, malgré la période de récession qui touche violemment l’industrie horlogère et la ville de La Chaux-de-Fonds, le projet est mené à son terme. Le musée actuel ouvre ses portes au public le 19 octobre 1974. Hommage à cette réalisation, l’exposition raconte la rencontre entre l’horlogerie, la muséologie et l’architecture. Elle met en scène l’état d’esprit dans lequel le MIH a vu le jour et les choix audacieux proposés par ses architectes et muséographes pour servir d’écrin à la collection horlogère la plus significative au monde. Elle s’articule en cinq sections:

Effervescence: à la fin des années 1960, l’industrie horlogère connaît une série de mutations. La production de masse, l’apparition de nouvelles technologies, le libre-échange et les soubresauts de l’économie mondiale bousculent les modes de production et les marchés préétablis. Ces changements donnent lieu à une remise en question des conventions. Durant cette période charnière, les manufactures innovent, créent et imaginent la montre de demain. L’effervescence qui règne engendre une série d’innovations, plus ou moins fructueuses. Certaines nouveautés, à l’image du quartz, des matières plastiques ou encore du digital, présentées en introduction de l’exposition, bâtissent les canons esthétiques et technologiques de l’horlogerie actuelle.

L’écrin monumental: le MIH est construit entre 1972 et 1974 sous la direction de l’architecte chaux-de-fonnier Georges-J. Haefeli (1934-2010) et du Zurichois Pierre Zoelly (1923-2003). Il est financé de manière conjointe par la Ville, le Canton, la Confédération et l’industrie horlogère, sous l’égide de la Fonda-tion Maurice Favre, spécialement créée en 1967 dans l’objectif de doter La Chaux-de-Fonds d’un nouveau musée d’horlogerie à la hauteur de l’importance de ses collections. L’écrin monumental imaginé par les architectes remplit intelligemment toutes les exigences du programme. Il concilie les antagonismes et les jeux d’échelles. D’étroites collaborations se nouent avec des spécialistes en physique des bâtiments, en particulier avec l’ingénieur civil Pierre Beurret (1922-2016) et avec l’entreprise de construction Paci, actuellement Groupe Zuttion. Unanimement salué par la presse à son inauguration, le MIH est lauréat du premier Prix Béton, en 1977. Il reçoit le Prix Cembureau et est promu Musée européen de l’année en 1978. Une projection immersive avec des images d’archives et actuelles relate l’épopée de la construction du musée et offre une lecture inédite de ce monument d’inspiration brutaliste. Des témoignages d’architectes de renom, dont le fameux architecte suisse installé à New York, Bernard Tschumi, créateur notamment du Musée de l’Acropole à Athènes, mettent en exergue ses caractéristiques constructives et révèlent les anecdotes inédites de l’inauguration il y a 50 ans.

Une œuvre totale: l’architecture intérieure du musée est confiée à l’association Team BTG, Pierre Bataillard, Serge Tcherdyne et Mario Gallopini. Leur mission englobait l’élaboration et la mise en place de tous les aspects techniques, notamment la conception des éléments d’exposition tels que les vitrines, mais aussi le choix de l’ameublement contribuant à l’atmosphère du lieu et au confort de la visite. Une attention particulière est portée à la transparence et à la légèreté des supports d’exposition, contrastant avec la structure massive du bâtiment tout en s’appuyant sur elle. Dans cet espace, le mobilier du MIH devient artefact d’exposition lui-même. Il est présenté à l’égal des œuvres d’art qui composent la collection.

Imaginer: en 1968, la Fondation Maurice Favre organise un concours ouvert aux architectes domiciliés ou établis dans le canton de Neuchâtel. En outre, une dizaine d’architectes suisses est invitée à participer. 28 projets sont remis au jury constitué de personnalités des mondes politique, industriel et culturel locaux et d’architectes suisses. Neuf propositions sont retenues pour leurs qualités supérieures. «Gnomon», des architectes Georges- J. Haefeli et Pierre Zoelly, reçoit le premier prix. Les maquettes des projets finalistes du concours de 1968 sont réexposées pour la première fois.

Se réinventer: dans la dernière partie de l’exposition, le public est invité à imaginer le réaménagement futur du musée autour d’un jeu de construction en Lego. A l’aube d’importants travaux de rénovation du musée, «Brut. 50 ans d’un écrin monumental» préfigure ainsi les réalisations qui permettront la revitalisation du Parc des musées et la refonte muséographique du MIH pour les prochaines décennies.

Un guide sur l’architecture du MIH
La Société d’histoire de l’art en Suisse (SHAS), dont les activités nationales pour la promotion de la culture du bâti sont reconnues de longue date, a publié un guide intitulé «Le Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds», consacré à cette institution tout à fait exceptionnelle.

Disponible en français, allemand et anglais, cet ouvrage, résolument accessible, rédigé par Nadja Maillard, l’une des meilleures spécialistes de l’architecture de cette période, livre des informations précieuses aux visiteurs de ce musée comme à toute personne intéressée par le patrimoine. Il est enrichi de 57 illustrations pour la plupart inédites, dont des photographies actuelles, des vues anciennes, des documents d’archives, des coupes et des plans.

Nouvelles acquisitions
L’année écoulée restera gravée dans les annales du MIH, tant les 280 pièces achetées et reçues revêtent une importance significative pour l’histoire de l’horlogerie. Parmi une vingtaine de donatrices et donateurs différents, mentionnons deux personnalités singulières, récemment disparues, dont la générosité enrichit notablement les collections du MIH.

Michel Huber (1950-2023), designer indépendant, établi à Genève, et diplômé en bijouterie-joaillerie de l’Ecole d’art de La Chaux-de-Fonds, a marqué le monde horloger par sa création «Square» pour la marque Ventura. Cette oeuvre témoigne de son engagement envers l’harmonie des proportions. Les montres de sa collection, une cinquantaine de pièces, se distinguent par leur fluidité, alliant une extrême finesse à une grande rigueur, transcendant ainsi les limites conventionnelles de l’horlogerie.

La collection léguée par Eduard Streit (1939-2023), par le biais de la Fondation Maurice Favre, se distingue par sa technicité exceptionnelle et la bienfacture des pièces qui la composent. Chacune des 180 montres, soigneusement et patiemment sélectionnées par Eduart Streit tout au long de sa vie, témoigne d’une recherche ou d’une maîtrise technique particulière, complétant ainsi nos connaissances sur l’histoire de l’horlogerie suisse et européenne du 18e au 20e siècles.

Un 50e numéro du «Carillon» augmenté d’une édition spéciale
Le «Carillon», bulletin annuel du MIH et des amisMIH est préfacé par l’architecte star Bernard Tschumi, lequel souligne le caractère unique du MIH dans sa conception architecturale et muséographique. Ce symbolique 50e numéro, étoffé à 16 pages, fait également office de catalogue des quelque 280 nouvelles acquisitions réalisées en 2023.

Une édition spéciale du «Carillon», grand format, rappelle rétrospectivement, comme prospectivement, à tout un chacun le rôle des piliers fondateurs du MIH: autorités publiques, Fondation Maurice Favre et amisMIH, lesquels initient une recherche de fonds dans l’objectif de permettre la mue de l’exposition de référence du musée à l’issue des travaux d’assainissement du bâtiment.

11.4.2024