Water printing adapté à l’horlogerie

Installée à Vallorbe, Tec Arts a développé une technique d’impression hydrographique pour les composants horlogers. Une prestation que l’entreprise est la seule à proposer.

«J’ai trouvé un kit de démarrage sur Internet. Les premiers essais furent catastrophiques, mais j’ai senti qu’il y avait un vrai potentiel.» Xavier Perrenoud raconte son aventure industrielle comme un passionné de bière artisanale évoquerait ses débuts.

En 2016, après plusieurs mois de développements, ce spécialiste de la décoration horlogère parvient à adapter la technique du «water printing» - ou impression hydrographique - au monde de la micromécanique. Une prestation unique au monde, qui a nécessité passablement d’ajustements par rapport au domaine d’application initial: la carrosserie. Aujourd’hui, la société Tec Arts qu’il dirige - filiale de Tec Ebauches à Vallorbe - multiplie les clients à l’intérieur comme à l’extérieur de l’horlogerie. Elle présentera ses derniers progrès à l’EPHJ.

Un enrobage d’encre
En 2015, Xavier Perrenoud est employé dans une entreprise spécialisée dans la décoration de composants horlogers, des méthodes traditionnelles (perlage, Côtes de Genève, etc.) à la galvanoplastie, en passant par le laquage. Son goût pour l’innovation va cependant le conduire à découvrir le «water printing» sur le web. «L’horlogerie commençait à s’intéresser à des procédés de coloration novateurs, comme l’aloxage de l’aluminium ou l’aérographie (comme sur la RM 68-01 Cyril Kongo, ndlr), souligne-t-il. Mais il n’existait encore rien dans le domaine de l’hydro-impression.»

Inventé au Japon dans les années 1980, le «water printing» s’est essentiellement développé dans le monde du tuning de voitures et de motos. Le processus consiste à imprimer un film hydrosoluble, puis à le déposer à la surface d’un bain d’eau tiède. Après quelques minutes, le support disparaît pour ne laisser qu’une fine pellicule d’encre flottant sur le liquide. En plongeant un objet ou un composant dans le bain, l’encre vient alors enrober sa surface comme une membrane, même aux endroits difficiles d’accès.

Adaptations nécessaires
«Le problème, c’est que les normes dans la carrosserie n’ont rien à voir avec celles en vigueur dans l’horlogerie, poursuit Xavier Perrenoud. Il me fallait donc un centre de compétences pour avancer.» Le jeune entrepreneur s’approche alors d’Arnaud Faivre, fondateur de l’usine de composants Tec Ebauches, qui adhère immédiatement. Commence un long et difficile processus d’ajustage, qui touche à tous les aspects de la méthode. A commencer par les produits chimiques utilisés: pour répondre aux nombreuses prescriptions qui encadrent l’industrie horlogère - résistance à la transpiration, aux chocs, allergie, etc. - les vernis et les solvants sont reformulés à l’interne. Pour adhérer à des matériaux comme le saphir, l’acier ou l’aluminium, mais aussi afin de résister à un fraisage à posteriori, la composition de la couche primaire d’accroche est également repensée. Tout comme la résolution d’impression, qui atteint 1’600 dpi afin de garantir un résultat parfait. Enfin, même si l’épaisseur totale de la couche primaire, de l’encre et de la laque protectrice ne totalise pas plus de 10 à 12 centièmes de millimètre, l’usinage des composants est adapté d’autant chez Tec Ebauches.


Tec Arts est enfin créée à fin 2016. Et les débuts sont prometteurs: une première présentation des libertés offertes par le «water printing» à l’EPHJ 2017 fait sensation. Les carrures, ponts, platines ou masses oscillantes ainsi décorés ouvrent un champ des possibles insoupçonné jusque-là. «Nous sommes les seuls à proposer cette technique dans l’horlogerie, précise Xavier Perrenoud. C’est un peu une manière moderne de faire de la peinture miniature.» N’importe qu’elle motif, couleur ou image peut en effet être imprimé en haute résolution sur le film hydrosoluble, avant de venir envelopper une surface quelle qu’elle soit. Y compris flexible, comme un bracelet, grâce au développement spécifique d’une laque souple.

Plusieurs marques ou sous-traitants ont déjà franchi le pas, comme Claude Meylan, TockR ou Vaucher Manufacture. «Nous ne visons pas le haut de gamme, glisse le directeur technique. Mais certaines maisons de haute couture, également présentes dans l’horlogerie, se montrent très intéressées. Parce qu’avec le «water printing», il est possible de créer tout leur univers, de reproduire leur environnement.»

31.5.2018