Lauréats du Prix Gaïa 2014

Ils sont créateur de mécanismes horlogers novateurs, inventeur d'horloges atomiques ou encore chef d'un laboratoire indispensable à la branche horlogère... tel est le profil des lauréats 2014 du Prix Gaïa.

Le 18 septembre dernier s'est tenue au Musée international d'horlogerie (MIH) de La Chaux-de-Fonds la vingtième édition du Prix Gaïa. Présidé pour la première fois par le nouveau conservateur des lieux, Régis Huguenin-Dumittan, l'événement a rassemblé le monde horloger, les amis du musée et les autorités communales.

Créé en 1993 par le MIH, et seul en son genre, ce Prix a la particularité de distinguer les meilleurs parmi les meilleurs ayant contribué à la notoriété de l'horlogerie, de son histoire, de sa technique ou de son industrie. Le Prix Gaïa prime trois catégories d'acteurs horlogers.

Artisanat et création

C'est avec le désir d'honorer des horlogers créatifs et audacieux, œuvrant pour certains dans un relatif anonymat -leurs noms étant discrètement associés à de grandes entreprises-, qu'a été créée la catégorie Artisanat et création. Kari Voutilainen en est le lauréat 2014.

Né en 1962 à Rovaniemi (Finlande), Kari Voutilainen suit une formation à l’école d’horlogerie finlandaise de Tapiola, mondialement réputée, puis des études commerciales. Horloger indépendant en Finlande, il met un pied en Suisse en 1988 pour suivre tout d'abord un cours de perfectionnement au WOSTEP (Watchmakers of Switzerland Training and Educational Program), à Neuchâtel. Il y fréquente ensuite le cours consacré aux montres compliquées. En 1990, il est engagé par la maison Parmigiani, poste qui lui permet de s'adonner à la restauration de montres compliquées et exceptionnelles. Il s'implique également dans la création de pièces uniques et originales.

Enseignant au WOSTEP entre 1999 et 2002, Kari Voutilainen fonde ensuite l’atelier Artisan d’horlogerie d’art Voutilainen à Môtiers, dans le Val-de-Travers. Trois ans plus tard, il présente pour la première fois ses œuvres à Baselworld. Membre de l'Académie des horlogers créateurs indépendants (AHCI) dès 2006, il est promu horloger de l'année par l'Association finlandaise des horlogers en 2007. En 2013, il reçoit le Prix de la montre homme au Grand Prix d'horlogerie de Genève.

Aujourd’hui, l'atelier Artisan d’horlogerie d’art Voutilainen compte quinze collaborateurs et fabrique environ 45 montres par année - des pièces uniques ou de très petites séries - dans le respect de la tradition horlogère et du travail de qualité.

Histoire et recherches

Les personnalités honorées pour leur apport à l'histoire de l'horlogerie, des techniques ou plus largement de la mesure du temps, grâce à leurs écrits ou à leurs activités muséales, sont issues de formations fort différentes. Cette catégorie a pour but de les mettre en lumière car ils œuvrent souvent discrètement à l'évolution de la connaissance. Pierre Thomann est le lauréat 2014 de cette classification.

Né en 1946, physicien et docteur en sciences de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), Pierre Thomann poursuit sa formation académique par un stage post-doctoral de deux ans aux Etats-Unis en tant que boursier du Fonds national Suisse de la recherche scientifique. De retour en Suisse, il conduit plusieurs projets de recherche industrielle sur de nouvelles horloges atomiques, d’abord dans le groupe horloger Asulab, puis chez Oscilloquartz, toutes deux sises à Neuchâtel. Il rejoint ensuite l’Observatoire cantonal de Neuchâtel en 1990, laboratoire de recherche et de développement spécialisé dans les horloges atomiques, où les horloges destinées au système de navigation par satellite GALILEO (équivalent européen du GPS) ont été créés. Il y développe, pour l’Institut national de métrologie METAS, une horloge primaire de référence basée sur une fontaine d’atomes de césium refroidis par laser.

Nommé directeur-adjoint scientifique de l’Observatoire en 1995, professeur associé à l’Université de Neuchâtel en 2002 et enfin professeur ordinaire dans cette même Université à l’occasion de la création du Laboratoire Temps-Fréquence (LTF) en 2007, Pierre Thomann conduit des recherches dans différents domaines et applications de la physique atomique, de l’optique et des horloges atomiques. L’effectif du LTF, de cinq collaborateurs au départ, quadruple durant ses quatre premières années d’existence, grâce notamment aux soutiens financiers externes du Fonds national suisse de la recherche scientifique, de METAS et de l’Agence spatiale européenne, via le Bureau suisse des affaires spatiales.

Pierre Thomann est distingué en 2008 par l’attribution du prix Européen Temps-Fréquence. Il fonctionne comme expert dans plusieurs comités internationaux en métrologie temps fréquence. Il prend sa retraite en 2011 mais continue de participer à l’un des projets de recherche du LTF, celui consacré au développement d'une horloge suisse de référence.

Esprit d'entreprise

Que serait l'horlogerie sans la volonté d'entreprise qui a permis au cours des siècles d’asseoir cet art et de le promouvoir. D'artisanat il a évolué vers l'industrie avec tout ce que cela inclut de la production à la diffusion du produit. Des horlogers de génie ont su au cours des siècles passés insuffler cette volonté de promotion de leurs ouvrages et c'est une juste initiative que de reconnaître et de distinguer les femmes et les hommes qui poursuivent aujourd'hui les mêmes buts, faire reconnaître la qualité de leurs produits et surtout initier de nouvelles recherches pour améliorer les garde-temps. Cette année, le prix Esprit d'entreprise a distingué Henri Dubois.

Né en 1936 à La Chaux-de-Fonds, Henri Dubois passe son enfance au Locle et entreprend un apprentissage de droguiste (1952-1956). En 1960, sa maîtrise fédérale de droguerie en poche, il devient responsable des laboratoires de chimie et d'électroplastie au sein de l'entreprise Prochimie, à La Chaux-de-Fonds. En parallèle à son activité professionnelle, il participe au lancement d’une formation professionnelle en électroplastie à l’Ecole des arts et métiers de La Chaux-de-Fonds où il enseigne la technologie et la chimie. En 1975, il prend la responsabilité du laboratoire de l’entreprise Portescap. Avec la crise horlogère et les mesures de chômage l’accompagnant, il propose d’utiliser les moyens du laboratoire au service des entreprises pratiquant les traitements de surface (électroplastes, sous-traitants, fabricants d’aiguilles, de cadrans, de boîtes et bracelets). Constatant qu'il n'existait alors en Suisse romande aucun centre d'analyse indépendant dans les domaines de l'électroplastie et de la métallographie et réalisant à quel point les entreprises locales avaient besoin d'expertise dans ces deux domaines, il prend alors la décision d'ouvrir son propre laboratoire.

Dès 1977, le Laboratoire Dubois est constitué d'une équipe de trois personnes offrant ses services dans différents domaines (conseils en électroplastie, contrôles des traitements de surfaces, coupes métallographiques), au service de l’horlogerie, de ses branches annexes, de la bijouterie et des produits du luxe (lunetterie, maroquinerie). Très vite il s’entoure d’une équipe de techniciens et de scientifiques lui permettant d’élargir les prestations de son entreprise. En 1978, alors que le laboratoire compte déjà dix personnes, il ajoute à ses prestations la chimie industrielle et les tests de corrosion et d'usure: c'est le début du contrôle qualité.

L'année 1985 marque le tournant horloger du laboratoire. La Fédération horlogère suisse se sépare de son Centre de contrôle de la fiabilité. Réalisant à quel point cette société est complémentaire à la sienne, Henri Dubois accepte de la reprendre. Désormais, le laboratoire peut proposer les contrôles de fonctionnement horloger les plus performants ainsi qu'une large batterie de tests (magnétisme, chocs, étanchéité, etc.). La part de l'horlogerie se renforce encore en 1992 avec la reprise du Contrôle technique des montres (CTM), un office de l'Etat qui ferme ses portes.

Cette évolution entraîne la concentration des activités typiquement horlogères au sein d'une nouvelle société, Chronofiable SA, fondée en 1993, intégrée en 2003 dans l'entité légale du Laboratoire Dubois. Une nouvelle activité vient encore compléter cette palette de services: la tribologie.

Afin d'accroître encore les compétences de son entreprise, Henri Dubois décide d’accréditer le Laboratoire Dubois selon les normes ISO 17025. Ce dernier devient ainsi, en février 1995, le premier laboratoire d'essais helvétique accrédité pour la métallographie, les essais et les contrôles des matériaux. Avec ses nombreuses années d'expérience et plus de trente collaborateurs, Henri Dubois a fait de son laboratoire un partenaire incontournable de nombreux secteurs industriels, tout en maintenant et en développant une compétence particulièrement prononcée dans le secteur horloger.

En 2003, Henri Dubois se voir remettre le Prix ERNE de la Fondation pour le développement des traitements de surfaces, pour "performances exceptionnelles". En 2012, il remet la présidence du Laboratoire Dubois à son fils, Patrick, tout en demeurant membre de son Conseil d’administration et président d’honneur. Au cours de sa carrière, Henri Dubois a aussi assumé de nombreuses responsabilités, entre autres il a été membre du Conseil de l’ASRH (Association suisse de recherche horlogère) et délégué suisse au Groupe de travail européen «Nickel», participant à l’élaboration de la norme EN 1811 (mesure de la libération de nickel pour les produits en contact direct avec la peau).

 

Rappelons encore qu'aucun futur lauréat ne peut présenter spontanément sa candidature au Prix Gaïa, les dossiers doivent être remis par des tiers. Les membres du jury, personnalités suisses et étrangères issues de milieux divers (culturel, journalistique, scientifique ou économique) désignent ensuite les lauréats. Cette année, le jury était composé de trois membres du MIH: Régis Huguenin-Dumittan, conservateur et président du jury, Nicole Bosshart, directrice adjointe et Jean-Michel Piguet, conservateur adjoint. Les autres membres sont: Henry John Belmont, consultant en horlogerie; Jean-Pierre Brügger, directeur général du CIFOM (Centre interrégional de formation professionnelle, La Chaux-de-Fonds); Daniel Droz, journaliste à l'Agence romande de presse; Hans Erb, Timesign; Estelle Fallet, conservateur en chef, responsable pôle histoire, au Musée d'art et d'histoire de Genève; Joël A. Grandjean, rédacteur en chef du magazine Heure Suisse; Morghan Mootoosamy, conservateur du Musée d'horlogerie du Locle, Château des Monts; Michel Parmigiani, CEO de Parmigiani Fleurier; Emmanuel Vuille, CEO de Greubel et Forsey et de Janine Vuilleumier, rédactrice en chef de la Revue FH.

Lauréats 2014: Kari Voutilainen, Pierre Thomann et Henri Dubois

02.10.2014