Prix Gaïa 2012 - Cologni, Coudray et Garufo nominés

Ambiance et rigolade étaient au rendez-vous le jeudi 20 septembre au MIH pour la remise des trophées du Prix Gaïa 2012.

Comme chaque année en automne, le jeudi précédent le changement d’équinoxe, le Musée international d’horlogerie (MIH) décerne le Prix Gaïa qui récompense les travaux et les carrières de personnalités influentes du monde horloger. Cette année, Franco Cologni s’est vu décerner cette distinction pour la catégorie Esprit d’entreprise, Eric Coudray pour l’Artisanat-création et Francesco Garufo pour l’Histoire-recherches. Présentation des lauréats!

Artisanat et création
Eric Coudray s’est vu décerner le Prix Gaïa pour la catégorie Artisanat et création. Issu d’une famille d’horlogers, il débute son apprentissage d’horloger au LEP Jules Haag de Besançon, suivi d’un CFC d’horloger-rhabilleur au Technicum neuchâtelois de La Chaux-de-Fonds, finalisé par un diplôme de technicien en restauration d’horlogerie ancienne au MIH. Durant sa formation, il met déjà son esprit créateur au service de ses ambitions de constructeur et réalise, en 1982, une pendulette tétraèdre.
Après avoir travaillé quelques années dans un atelier parisien, il met ses compétences au service de Jaeger-LeCoultre pour qui il œuvrera tout d’abord à la fiabilisation des calibres, avant de s’orienter dans la recherche et le développement. Sous la houlette d’Henri-John Belmont, il crée un atelier indépendant permettant de donner libre court à son ingéniosité. C’est dans ce contexte que la Grande Maison présente, en 2002, l’Atmos régulateur puis, l’année suivante, l’Atmos mystérieuse, pièce unique en or et en onyx. En parallèle, il conçoit le célèbre Gyrotourbillon, tourbillon doté d’une double cage qui permet au balancier d’évoluer dans une sphère. En 2004, suit le modèle Master Gyrotourbillon 1, qui affiche un quantième perpétuel et une équation du temps. Dans la foulée, il améliore le concept et imagine la Reverso Gyrotourbillon 2, réglée par un spiral cylindrique. Sa fréquence plus élevée lui a permis d’obtenir le deuxième prix au Concours de chronométrie du Locle en 2009. Après 19 ans passés chez Jaeger-LeCoultre, Eric Coudray rejoint l’entreprise Cabestan, en 2008, pour qui il fiabilise le mouvement de la Winch Tourbillon Vertical. Ce même mouvement sera, cette année, placé au cœur d’une boîte maison et prendra le nom de Trapezium. Ce modèle a gagné le prix du Design lors du dernier salon Geneva Time Exhibition (GTE).
Eric Coudray est un personnage qui étonne de par son ingéniosité, mais aussi de par sa personnalité enjouée et positive. Lorsqu’il a appris qu’il avait gagné ce prix, il a d’abord cru à une plaisanterie, puis a décrété que c’était un «prix pour vieux». En feuilletant la genèse des nominés, il s’est rapidement rendu compte que de grands noms de l’horlogerie - jeunes et moins jeunes - l’avait reçu. Riche de cette distinction, il espère qu’elle l’aidera à créer sa propre marque car, a-t-il déclaré: «Des idées, j’en ai encore plein, il me manque juste un partenaire!»

Histoire et recherches
Lauréat de cette catégorie, Francesco Garufo affiche un parcours remarquable, mais très atypique. D’origine italo-hispanique, il arrive en Suisse avec ses parents et s’installe tout d’abord à Zürich, puis au Landeron. Parce que son père est peintre en bâtiments, il suit cette voie et apprend le métier de peintre au sein de l’entreprise familiale. Son envie de connaissances et son intérêt pour l’histoire le poussent à reprendre des études en cours du soir afin d’obtenir une maturité fédérale. En 2000, il quitte le monde de la peinture et rejoint celui du texte où il occupe le poste de rédacteur à temps partiel au Swiss TXT. En parallèle, il continue des études au niveau universitaire et obtient une Licence ès Lettres en archéologie, histoire et sciences politiques à l’Université de Neuchâtel (2002) et un Master post-grade en Histoire des économies et des sociétés industrielles à l’Université de technologie de Belfort-Montbéliard (2005) . En 2011, il soutient une thèse de doctorat, en cotutelle entre l’Institut d’histoire de l’Université de Neuchâtel et l’Université de technologie de Belfort-Montbéliard, intitulée «L’emploi du temps, l’industrie horlogère suisse et l’immigration». Il a également publié de nombreux travaux, toujours sur l’histoire des migrations, des syndicats et plus largement sur l’histoire économique et industrielle de l’Arc jurassien. Actuellement, il est chargé d’enseignement et collaborateur scientifique auprès de l’Institut d’histoire de l’Université de Neuchâtel.
Ne connaissant rien à l’horlogerie à la base, Francesco Garufo se dit très honoré de recevoir le Prix Gaïa qui représente une belle reconnaissance pour tous ses travaux accomplis.

Esprit d’entreprise
Une distinction de plus pour Franco Cologni qui, début septembre, a déjà reçu celle de Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres par Frédérique Mitterand. Si l’on sait que Franco Cologni est l’un des artisans du Salon international de la haute horlogerie (SIHH), qu’il a créé la Fondation de la haute horlogerie (FHH), qu’il a œuvré à la mise en place du pôle horloger du groupe Richemont lors de l’acquisition de Jaeger-LeCoultre, d’IWC de A. Lange & Söhne, qu’il a fait renaître la marque Panerai tombée dans l’oubli, on ne sait peut-être pas que, avant de se consacrer à l’horlogerie, il a été professeur d’histoire, de théâtre et du spectacle à l’Université de Cattolica (Milan), tout en menant de front une carrière de journaliste. En 1969, il a fondé la Tobako International, entreprise spécialisée dans la fabrication et la distribution d’objets de haut de gamme, parmi lesquels le briquet de Cartier. Quatre ans plus tard, il crée, pour le compte de la marque parisienne, la première filiale italienne. Son ascension au sein de Cartier ne cessera: en 1973, il accèdera au Comité de direction, sept ans plus tard, il sera nommé directeur général de Cartier International, en 1986 vice-président et en 2000, président. La même année, il sera également nommé président de Vacheron Constantin, poste qu’il occupera durant cinq ans. Franco Cologni est également l’auteur de nombreuses publications dédiées à l’horlogerie et à l’histoire des marques faisant partie de la FHH.
Si l’on devait encore caractériser Franco Cologni, on pourrait dire qu’il est le «Monsieur Fondation» de l’horlogerie. Tout au long de sa vie, il a créé des institutions afin de soutenir et d’encourager de nobles causes comme la Fondazione Cologni dei Mestieri d’Arte, créée en 1995 en faveur des métiers artistiques; la Creative Academy, haute école de design et de management créatif, fondée en 2004; la Fondation de la Haute Horlogerie (FHH), qui a vu le jour en 2005 et qui a pour but de préserver les valeurs patrimoniales de la branche et d’en promouvoir le développement et l’innovation; son rôle de vice-président dans la Fondazione Laureus Sport for Good Italia, œuvre de bienfaisance qui encourage la pratique du sport comme antidote à la marginalisation et à l’exclusion sociale.
Riche personnage à l’accent italien bien marqué, Franco Cologni s’est exprimé: «Je ne suis pas digne de recevoir ce prix. Toutefois, j’en suis digne si je peux le partager avec tous ceux qui ont œuvré avec moi tout au long de mon parcours. Car je suis convaincu que ce n’est pas le capital financier qui fait avancer le monde industriel, mais le capital humain».

9 octobre 2012