Bip! Le signal sonore utilisé par la radio pour annoncer l'heure exacte sera encore plus précis. Autrefois fourni par l'Observatoire cantonal de Neuchâtel (ON) et actuellement par l'Office fédéral de métrologie et d'accréditation (METAS), il égrènera désormais les secondes à 0,000000000000001 seconde près en moyenne! Une nouvelle horloge atomique vient en effet d'être mise au point par un groupe de physiciens de l'ON soutenu par le Fonds national suisse pour la recherche scientifique. Unique dans sa conception, elle devrait être livrée à fin mars au METAS. Avec seulement trois autres systèmes de référence quasi similaires dans le monde, elle contribuera à l'étalonnage du temps international, redonnant à la Suisse une position privilégiée dans ce domaine. Elle permettra aussi des progrès intéressants dans le positionnement par satellite (GPS, Galileo), la radioastronomie ou la recherche concernant les constantes fondamentales de la physique.
"Cette horloge fonctionne selon le principe du refroidissement d'atomes par laser", explique le physicien Pierre Thomann, chef du projet. Ces atomes sont du césium 133. Et le "tic-tac" des horloges atomiques repose sur leurs oscillations : ces atomes peuvent en effet être "excités" par un champ magnétique (micro-ondes) et se mettent alors à osciller entre ce que les scientifiques appellent "états d'énergie". Un pendule, en quelque sorte. Et cette fréquence d'oscillation semble immuable. D'où l'intérêt des physiciens, qui cherchent à accorder sur cette dernière la fréquence du champ d'excitation. "C'est comme si on poussait un peu le pendule à chaque balancement, en se servant de ses oscillations parfaitement régulières comme d'un modèle pour régler la cadence de poussée avec la main", image le chercheur. Ainsi, la fréquence d'excitation devient une copie fidèle, et aussi immuable, de la fréquence d'oscillation de l'atome. Or, c'est justement celle-ci qui définit la seconde puisqu'elle dure exactement 9'192'631'770 oscillations de l'atome de césium.
Avec ce dispositif, les chercheurs reproduisent les oscillations atomiques avec une exactitude incomparable (de l'ordre de 10-15), soit 10 fois mieux qu'auparavant. "Deux horloges de ce type varieraient l'une par rapport à l'autre de moins d'une seconde après 30 millions d'années", détaille Natascia Castagna, autre doctorante du projet. Mais quel est l'intérêt de cette course à la précision ultime? "Pour le quidam, il n'est pas grand à première vue, confirme P. Thomann. Mais une immense précision est parfois indispensable, par exemple dans le positionnement par satellites, puisque ceux-ci fournissent des données d'autant plus exactes que les horloges atomiques qu'ils contiennent sont mieux synchronisées. Or, le positionnement au mètre près sera bientôt massivement utilisé."
Mais surtout, la Suisse, par l'intermédiaire du METAS qui collabore à ce projet depuis son début, sera parmi les rares laboratoires à disposer d'un étalon à atomes froids, soit une horloge de référence pour calibrer le temps atomique international. "La Suisse reviendra ainsi aux premières loges en ce qui concerne la mesure du temps, alors qu'avant, elle était bel et bien dans le peloton. Pour Neuchâtel, qui a une longue tradition d'horlogerie, comme tout le pays d'ailleurs, c'est tout un symbole", conclut Pierre Thomann.
13 mars 2003