Bulova - De retour sur le Vieux Continent

Après vingt ans d'absence, l'horloger américain Bulova fait son grand retour en Suisse. En ouvrant un siège européen à Fribourg.

Avec deux millions de montres vendues l'an dernier par plus de 6'000 points de vente pour un chiffre d'affaires dépassant 160 millions de dollars, Bulova est aujourd'hui comme hier une marque incontournable sur le marché nord-américain. En Europe par contre, de même que dans le reste du monde, elle a plutôt adopté un profil bas depuis ses déboires de la fin des années 70. Une situation qui est appelée à changer radicalement au dire de Robert Faessler (ex Swatch Group et Ebel), directeur de Bulova Swiss SA, filiale européenne de la marque dont les activités débuteront officiellement le 1er janvier 2003, à l'expiration du contrat de licence avec Egana Goldpfeil (Holdings) Ltd.

L'origine de la marque remonte à 1875 lorsqu'un émigré tchèque du nom de Joseph Bulova (voir photo), alors âgé de 25 ans à peine, quitte Tiffany pour ouvrir une boutique à New York et y vendre des montres de son cru au rapport qualité/prix sans égal à l' époque. Au cours des ans, la firme se forgea une image de pionner dans de multiples domaines, écrivant petit à petit l'histoire d'une success story typiquement américaine. Elle fut ainsi par exemple la première à faire de la promotion à la radio. C'était en 1926. Quinze ans plus tard, elle double la mise en présentant le premier spot publicitaire jamais diffusé à la télévision. Entretemps, Arde Bulova avait succédé à son père et introduit, ce qui était révolutionnaire à l'époque, la standardisation des pièces. La firme a également fait œuvre de pionnier en ouvrant, au profit des blessés de guerre, sa propre école d'horlogerie - toujours en activité d'ailleurs - et en devenant la première marque de montre au monde dont les produits ont été offerts dans les avions (voir photo), à une période où le tourisme de masse n'avait même pas encore envahi Rimini par le rail!

Innovatrice aussi bien au niveau promotionnel que social ou industriel, Bulova a également - et peut-être surtout - marqué l'histoire de l'horlogerie par le lancement, le 25 octobre 1960, de l'Accutron (voir photo), une montre à diapason révolutionnaire dont plusieurs millions exemplaires ont été commercialisés jusqu'au début des années 70 et qui a fait partie des missions spatiales américaines comme garde-temps fixe dans les capsules. La marque est alors au faîte de sa gloire, employant plus de 1'000 personnes à Bienne et à Neuchâtel.

Alors que Bulova présente une version dame de son modèle vedette, la montre à quartz débarque sur le marché et change à jamais le paysage horloger, entraînant une réduction massive des effectifs de la branche. Aux prestigieuses années 60 succèdent alors pour Bulova les terribles années 70, avec leur cortège de conflits sociaux et de grèves qui débouchent sur la fermeture de toutes les activités suisses de la marque en 1982.

Commence alors pour la firme, qui vient d'être rachetée par le groupe américain Loews (assurances, tabacs, pétrole), une longue traversée du désert, qui prend fin dans les années 90 avec de remarquables progressions de son chiffre d'affaires et de ses ventes. Et c'est à l'occasion de son 125ème anniversaire, en 2000, qu'elle décide de reprendre la gestion directe de ses affaires en Europe.

Situé à la route des Arsenaux 41 à Fribourg, dans le bâtiment Swisscom, Bulova Swiss SA dispose de 600 m2. Elle aura la responsabilité de toutes les opérations de vente, de marketing et de distribution pour l'Europe, avec un effectif de 5 à 10 personnes au début, mais qui devrait rapidement dépasser les 30 employés. S'il n'est pas exclu qu'à terme la firme fabrique ses propres montres, celles-ci seront faites, en tout cas dans un premier temps, en sous-traitance. Il s'agira de produits Swiss made acier et/ou or 18 carats spécialement conçus pour les consommateurs européens dans les styles classique, sport, sport chic et mode. Le prix moyen au détail se situera aux alentours de 500 euros, avec la grande majorité de la gamme comprise entre 450 et 600 euros. Avec un objectif de vente initial de "quelques dizaines de milliers de pièces par an", d'abord sur les marchés italien et suisse, puis dans les autres pays d'Europe occidentale et, finalement, en Europe de l'Est. A l'aide des propres forces de vente de la marque ou de distributeurs agréés.

Avec cette nouvelle implantation, Bulova met en pratique sa devise: "Think global, act local". Dans cette même optique, elle a d'ailleurs acquis récemment une fabrique d'horloges canadiennes et, l'année dernière, la marque Wittnauer, qui fonctionne actuellement comme une entité séparée. Ces acquisitions viennent ainsi renforcer les marques du groupe (Bulova, Accutron, Caravelle) et celles produites sous licence (Harley Davidson, Frank Lloyd Wright et Smithsonian).

Avec cette arrivée, le canton de Fribourg voit quant à lui son aura horlogère briller avec un peu plus d'éclat.

21 novembre 2002