Nouvelles acquisitions du MIH

Le Musée international d’horlogerie (MIH) a dévoilé ses acquisitions 2021 lors d’un événement organisé en mars dernier. Au-delà de simples objets, ce sont de véritables symboles qui ont trouvé leur place au cœur de l’institution.

Parmi la cinquantaine de pièces qui ont ainsi fait leur entrée en collection, trois sont porteuses d’une symbolique dépassant largement leur histoire propre.

Le MIH a acquis une montre de poche à calendrier perpétuel et répétition minutes comprenant deux peintures sur émail signées Poluzzi-Rohr sur une face et Rohr-Poluzzi sur l’autre. Bien que les complications de cette pièce soient admirables en elles-mêmes, sa valeur principale réside dans les deux peintures miniatures sur émail qui représentent la quintessence de la virtuosité de deux des plus grands émailleurs du 20e siècle, faisant de cette montre de poche le témoignage tangible d’une transmission des savoir-faire.

Carlo Poluzzi (1899-1978) qui, dès l’âge de quinze ans se familiarise avec la grande tradition genevoise en entrant comme apprenti dans la manufacture des Emaux de Genève, manifeste précocement ses dons pour ce métier. Soigneusement préparé à l’étude du dessin par les cours qu’il suit à l’Ecole des beaux-arts, il acquiert une totale maîtrise de la peinture sur émail. A peine âgé d’une vingtaine d’années, il dirige la quinzaine d’artisans qui travaillent dans l’atelier d’émaillerie des Emaux de Genève.

Née à Genève en 1939, Suzanne Rohr grandit dans une famille baignant dans les arts classiques. Intéressée par le dessin et la peinture dès son plus jeune âge, elle découvre, au Musée d’art et d’histoire de Genève, une exposition d’émaux qui l’émerveille. Elle suit alors une formation d’émailleuse et de peintre sur émail à l’Ecole des arts décoratifs de Genève où elle a pour professeur Elisabeth Juillerat et obtient son diplôme fédéral en 1959. Elle était la seule élève de sa classe.

Au début des années 1960, Suzanne Rohr rencontre Carlo Poluzzi qui deviendra son mentor pendant les 28 années suivantes. En travaillant étroitement avec lui, elle affine sa technique et se consacre entièrement aux miniatures sur émail. La pièce acquise par le MIH date de 1966 et marque d’une pierre blanche l’accomplissement de Suzanne Rohr alors disciple de Carlo Poluzzi. C’est au travers de cette pièce que le travail et la virtuosité technique de la genevoise sont officiellement reconnus par son maître, qui cosigne les miniatures avec elle: Mère et enfant d’après Van Muyden (1859) sur une face, représentation d’enfants faisant la moisson de l’autre. La transmission du savoir-faire d’une génération à l’autre s’exprime ainsi visuellement à travers ce garde-temps d’exception qui fait également écho à la distinction Gaïa remise par le MIH à Suzanne Rohr en 2019.

L’année 2021 a également été marquée par un don important du Laboratoire Temps-Fréquence de l’Université de Neuchâtel, qui cède au MIH son prototype d’horloge atomique à fontaine continue d’atomes froids de césium. Pensée, créée et améliorée de 1999 à 2009 sous la direction de Pierre Thomann (lauréat du Prix Gaïa 2014) au moment où la recherche de l’extrême précision est à un tournant dans le Canton de Neuchâtel, cet appareillage a été développé pour démontrer et perfectionner le concept original de fontaine d’atomes froids fonctionnant en continu.

Enfin, l’entreprise Panatere à Saignelégier a fait don au MIH de son tout premier lingot d’acier inox 316L, 100% recyclé et solaire. Cet acier est issu de déchets de production récoltés dans l’Arc jurassien. Il a été fondu par un four solaire à concentration. Bien plus qu’un objet, ce lingot d’environ 15 kg est une promesse d’avenir. Un luxe vertueux où les déchets d’acier de la région deviennent matière première pour l’horlogerie. Un circuit court renforcé encore par l’intention de la maison jurassienne d’implanter un tout nouveau four solaire breveté à proximité de la métropole horlogère. L’ingéniosité de l’entreprise couplé au bon sens privilégiant proximité et durabilité ont amené le MIH à offrir une place de choix à ce lingot d’acier solaire qui rejoindra la vitrine dédiée aux nouveaux matériaux.

05.5.2022