GPHG 2018 entre rires et émotion

La maison Bovet 1822 a remporté la récompense suprême lors du dernier Grand prix d’horlogerie de Genève. Une 18e édition qui a fait la part belle aux marques indépendantes, lesquelles ont récolté dix récompenses sur dix-sept. Jean-Claude Biver a également ému l’assemblée.

«Le plus réussi des GPHG»; «Une soirée pleine de surprises»; «Une cérémonie empreinte d’émotion»: au lendemain de la 18e édition du Grand prix d’horlogerie de Genève (GPHG), les commentaires dans la presse et sur les réseaux sociaux furent unanimes pour souligner le vent de fraîcheur qui a soufflé sur les quelque 1’300 invités qui avaient pris place au Théâtre du Léman, le 9 novembre dernier. Il y a évidemment le palmarès, qui fait la part très belle aux indépendants - dix prix sur dix-sept -, parmi lesquels Bovet 1822 qui remporte l’Aiguille d’or; il y eu également un Jean-Claude Biver ému aux larmes - lauréat du Prix spécial du jury pour l’ensemble de sa carrière - et un Georges Dubois immensément touchant - plus ancien élève de l’Ecole d’horlogerie de Genève encore vivant, avec ses 97 ans; il y eu enfin des maîtres de cérémonie hilarants et décomplexés, le comédien français Edouard Baer et la chanteuse imitatrice québécoise Véronic DiCaire, qui ont su détendre l’atmosphère à merveille. Un rendez-vous réussi donc, qui ouvre l’ère de Raymond Loretan, le nouveau président de la Fondation du GPHG nommé en janvier dernier. Remplaçant de Carlo Lamprecht en place depuis 2011, le Fribourgeois a plaidé, dans son discours inaugural, pour une représentativité plus large des marques horlogères.

Appel à resserrer les rangs

Ce ne sont pas moins de 106 marques qui ont inscrit 195 montres pour ce GPHG 2018. Comme le veut le règlement, le jury, présidé par Aurel Bacs, en a finalement retenues 72, réparties en 12 catégories. Parmi ces dernières, deux nouvelles récompenses ont fait leur apparition cette année: le Prix de l’audace - qui distingue la liberté créative - et le Prix challenge - réservé aux modèles dont le prix public est inférieur à 4’000 francs. Le Prix du public, à l’inverse, a disparu. Et le podium final est plutôt stimulant: dix marques indépendantes figurent au nombre des lauréats, parfois très petites comme Akrivia (Prix de la montre homme), Singer Reimagined (Prix de la montre chronographe) ou encore Krayon (Prix de l’innovation). Le Grand prix de l’Aiguille d’or a d’ailleurs couronné les efforts de Bovet 1822, pour l’incroyable Récital 22 Grand Récital, un Tourbillon Volant 9 jours, Tellurium-Orrery et Quantième Perpétuel Rétrograde. «Bovet réalise 2’000 pièces par an, et c’est largement suffisant», a insisté son propriétaire Pascal Raffy, pour qui il s’agit de la première distinction helvétique.

Si ce GPHG fut celui des petits créateurs, il réserva également un bel accueil aux marques non helvétiques. Nomos Glashütte (Prix challenge, Allemagne), Habring2 (Prix de la petite aiguille, Autriche) et Seiko (Prix de la montre sport, Japon) ont ainsi reçu les honneurs du jury, composé de vingt-sept membres issus de treize nationalités. Les maisons étrangères sont citées au GPHG depuis longtemps, mais leur nombre sur le podium a rarement été égalé. Un résultat propre à accroître la crédibilité de l’événement dans les pays en question et à travers le monde. Dans son discours de bienvenue, le nouveau président de la Fondation du GPHG, Raymond Loretan, a au demeurant appelé l’industrie horlogère à resserrer les rangs autour du Grand prix: «Nous devons travailler à augmenter son rayonnement international, a-t-il déclaré. Nous ne devons pas nous interdire de questionner le modèle de sélection des montres, afin d’envisager une représentativité plus large. Si tous les acteurs se fédèrent encore mieux, chacun à sa place, alors nous ferons encore mieux.» Un appel du pied à Patek Philippe et Rolex, absentes du concours.

Un alerte nonagénaire
Cette invitation fut peut-être le seul moment solennel de la soirée. Appelé à remettre le Prix du jeune élève de l’Ecole d’horlogerie de Genève, Georges Dubois a enflammé la salle. Du haut de ses 97 ans, l’alerte horloger à la voix cristalline n’a pas hésité à plaisanter avec Edouard Baer, entraînant les invités dans un éclat de rire unanime. Puis, retrouvant un peu de sérieux en se tournant vers le lauréat Christopher Lanz, il ajouta: «Je te félicite, ce n’est pas si facile! Tu auras beaucoup de plaisir à pratiquer ce métier.» Mais c’est à Jean-Claude Biver que l’assemblée a réservé une «standing ovation». Chargé de lui remettre le Prix spécial du jury pour l’ensemble de son œuvre, Aurel Bacs n’a pas trouvé plus efficace, dans sa laudatio, que d’énumérer septante mots bien différents, mais tous reliés entre eux par ce qu’ils évoquaient de la carrière de ce dinosaure de l’horlogerie. Le président du jury n’eut pas le temps de terminer son inventaire que la salle était déjà debout. «En 44 ans d’activité, c’est la plus belle émotion qu’il m’ait été donné de vivre, a confessé Jean-Claude Biver. On dirait que je prends ma retraite... Mais je vais continuer! On ne prend pas sa retraite d’une passion.»

22.11.2018